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que la fiction de la loi salique avait exclues de la succession au trône, en créant à côté du gouvernement légal un gouvernement occulte, mystérieux et irresponsable; leur puissance a été d’autant plus grande qu’elle ne connaissait d’autres bornes que la volonté des rois qui étaient à leurs pieds, d’autre écueil que la satiété, et l’impérieuse faiblesse de leur sexe; l’impotentia muliebris, si fatale aux césars, n’a pas été moins fatale aux rois très chrétiens, aux protecteurs-nés du saint-siège, aux fils aînés de l’église.


I.

Sous la première race, la promiscuité la plus complète règne parmi les Mérovingiens. Placés en présence de leurs traditions nationales, qui autorisent les grands personnages à prendre plusieurs femmes en signe de noblesse, — de la législation romaine, qui reconnaît deux sortes d’union, l’une officielle, justœ nuptiœ, l’autre purement fantaisiste, — du mariage chrétien, qui n’admet qu’une seule femme, — ils mêlent et confondent tout, et la plupart d’entre eux ont tout à la fois des femmes qu’ils épousent ecclésiastiquement, qui sont déclarées reines et regardées comme légitimes, des femmes qui, pour être mariées ecclésiastiquement, portent aussi par tolérance le titre de reines, mais ne sont point réputées légitimes, et de simples favorites, en nombre illimité, qui ne portent aucun titre, mais qui peuvent toujours devenir reines. Ces diverses catégories formaient comme autant de branches dont les rejetons venaient disputer la couronne, car tous les enfans nés des rois, quelle que fût la condition de leur mère, étaient aptes à succéder. Ce fut là, sous la première race, une source de troubles et de crimes : le nombre des prétendans compliquait l’anarchie au moment où s’ouvrait la succession royale. Les leudes, en leur qualité d’hommes libres, repoussaient des princes nés d’esclaves comme Bathilde, de fileuses de laine comme Méroflède; l’ambition de supplanter les reines légitimes engageait des luttes implacables entre les femmes du sérail mérovingien, et la paysanne Frédégonde venait s’asseoir sur le trône de Clovis en marchant sur les cadavres d’Audovère et de Guleswinthe.

Le mariage royal ne prit qu’à l’avènement de Hugues Capet le caractère qu’il devait conserver jusqu’aux derniers jours de la monarchie; cependant l’église admit le système de la répudiation, sous la réserve qu’elle aurait seule le droit de rompre les liens que seule elle avait le droit de consacrer[1], et ce fut encore là dans

  1. La répudiation fut toujours autorisée en faveur des rois avec la faculté de contracter un second mariage. Le divorce, que bien des gens regardent comme une institution révolutionnaire, avait été admis par l’église dès les premiers temps de la monarchie, et, quand Napoléon demandait à l’officialité de Paris de casser son mariage avec Joséphine, il ne fit que reprendre la tradition de Louis VII et de Henri IV.