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me convaincre que le bourdonnement des privilèges était contraire à l’opinion générale... SOYEZ ROI CONSTITUTIONNEL. »


Dans cette lettre, il y a une promesse et une leçon. La promesse, c’était un agrandissement indéfini de la Westphalie, si elle se rendait digne des espérances fondées sur elle; la leçon n’était pas inutile à un jeune prince de vingt-trois ans qui allait bientôt se trouver entouré ou d’aventuriers français, avides de distinctions nouvelles, ou de la vieille aristocratie hessoise, hanovrienne, prussienne ou brunsvickoise, jalouse de conserver les siennes; mais combien ces leçons égalitaires n’eussent-elles pas eu plus d’autorité, si Napoléon n’avait pas lui-même créé une noblesse avec ses majorats, ses exemptions d’impôts, ses vaines distinctions! Combien ces préceptes libéraux auraient eu plus de poids, s’il n’avait donné lui-même, dans la France issue de 1789, l’exemple du mépris des libertés et de la violation des constitutions, même impériales! C’était lui qui écrivait à Murat, grand-duc de Berg : « Je trouve ridicule que vous m’opposiez l’opinion du peuple westphalien ; que fait l’opinion des paysans aux questions politiques? »

Il recommandait encore à Jérôme d’avoir soin que son conseil d’état fût composé de non-nobles,… « toutefois sans que personne s’aperçoive de cette habituelle surveillance à maintenir en majorité le tiers-état dans tous les emplois... Cette conduite ira au cœur de la Germanie et affligera peut-être l’autre classe : n’y faites pas attention. » Il fallait introduire le code Napoléon le plus promptement possible. « On ne manquera pas de faire des objections : opposez-y une ferme volonté. Les membres du conseil de la régence qui ne sont pas de l’avis de ce qui a été fait en France pendant la révolution feront des représentations : répondez-leur que cela ne les regarde pas. » Cependant il fallait réserver « aux grands noms » une partie des charges de cour; Napoléon ne trouvait-il pas « qu’il n’y a que ces gens-là qui sachent servir? »

Dès la fin d’août, des députations westphaliennes s’étaient rendues à Paris pour saluer le nouveau roi et tâcher d’obtenir quelques garanties pour le pays. Un comité élu par elles et composé des comtes Merveldt, Schulenburg-Emden, Alvensleben, de l’abbé Hencke, du professeur Robert, reçut du roi communication de la constitution. Le roi leur demanda de lui présenter des observations officieusement, car officiellement il ne pouvait en admettre. Les clauses par lesquelles l’empereur se réservait la moitié des domaines, exigeait 30 millions de contributions de guerre, imposait l’entretien de 12,500 Français, affligèrent et surprirent les députés; mais Jérôme ne pouvait à ce sujet que leur donner de bonnes paroles. Les nobles