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à la justice et à l’intérieur, Lagrange à la guerre, Beugnot aux finances, Jollivet aux trésors. Toutefois il demandait dès lors à l’empereur d’être débarrassé de Lagrange et de Jollivet. Il détestait cordialement ce dernier surtout, en qui il voyait une sorte d’agent supérieur de la police impériale : c’est pour le même motif apparemment que Napoléon eut à cœur de le maintenir sous un autre titre en Westphalie. Jérôme nomma également les neuf premiers membres de son conseil d’état, parmi lesquels Dohm, de Wolfradt, de Bulow, ces deux derniers futurs ministres. Il se plaignait à son frère de la difficulté qu’il avait à trouver des candidats parmi le tiers-état, « la plus grande partie de cette classe étant composée de gens complètement illettrés. »

Le 1er janvier, il réunit dans l’orangerie du château de Cassel un certain nombre de notables et de députés (environ 275) des anciens états. « On y voyait, raconte en style fleuri le Moniteur westphalien, on y voyait placés sur les mêmes gradins des hommes qui portaient des noms anciens et toujours honorés, des savans qui illustrent les arts, d’habiles commerçans, de laborieux agriculteurs et des députés du Harz, enfans des anciens Vandales, et qui ont traversé les siècles avec la simplicité, les mœurs et presque le costume de leurs pères[1]. » Jérôme expose devant cette réunion une sorte de profession de foi ou de programme politique : il y développait le thème obligé sur l’unité nouvelle de la Westphalie, sur l’excellence de la constitution, conçue de telle façon que le souverain, « tout-puissant pour faire le bien, n’eût jamais intérêt à faire le mal, » sur le retour à cette « saine politique qui avait placé ses états dans l’alliance de la France jusqu’au milieu du siècle dernier. » Le passage le plus saillant, celui que l’empereur critiqua comme susceptible de donner des ombrages aux autres princes du Rheinbund, était celui-ci : « des privilèges, des exemptions, des servitudes personnelles, n’appartiennent pas au génie de ce siècle; il faut que la Westphalie ait enfin des citoyens. » Pendant ce temps, une série de décrets organisaient le gouvernement et les administrations.

Le roi, qui venait de faire connaissance avec les délégués de ses sujets, se mit en devoir de faire un voyage d’exploration dans le royaume. Du 15 au 26 mai 1808, il visita la savante université de Gœttingue, les populations si intelligentes du Brunswick, où l’administration libérale du dernier duc et l’influence des émigrés français avaient préparé le terrain aux réformes nouvelles, le grand établissement militaire de Magdebourg, la ville de Halle, si cruellement

  1. Numéro du 3 janvier 1808.