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à des fonctions purement administratives, mais auquel aussi, pour la première fois, Dandolo apprit le maniement d’un budget et l’épargne. La loi Grimani, établie par Venise en 1756, déclarait inaliénable entre les mains du paysan la plus grande partie des districts de montagne; elle fut abrogée (4 septembre 1806). Les corporations nobiliaires disparurent. La conscription, loi dure, mais qui atteignait tous les citoyens, entra en vigueur. Dès l’année 1807, le régiment royal dalmate était formé. La Dalmatie n’avait pas d’école, cinq collèges furent institués; le lycée du prince Eugène, à Zara, donnait une instruction plus élevée, en même temps l’empereur comprenait que forcer les Dalmates à venir étudier le droit et la médecine à l’étranger était un mal. La fondation d’une université fut décrétée, les cours principaux commencèrent immédiatement. Le gouvernement de Venise n’avait pas tracé une seule route, les soldats se mirent à l’œuvre; c’est alors que fut faite cette voie monumentale qui longe la côte de Zara à Raguse, va de la mer jusqu’à Sign, et qu’on appelle la grande. Les fortifications, les digues des ports, furent réparées; les généraux tracèrent des jardins publics qui portent encore leur nom. Marmont, qui succéda à Dandolo, pensa que les monumens historiques devaient être conservés, qu’il fallait en empêcher la ruine complète. Il soumit à l’empereur le projet grandiose de déblayer le palais de Dioclétien à Spalato. Les communautés religieuses étaient en grand nombre, celles qui n’avaient pour objet ni l’instruction ni la charité furent supprimées en principe. Les grecs séparés n’avaient ni évêque ni séminaire, Dandolo répara cette injustice : le clergé orthodoxe obtint tous les droits du clergé catholique. Les impôts, établis avec sagesse, rentrèrent dès la première année sans difficulté : ils suffisaient aux besoins de la province. En 1809, le budget des recettes était de 1,800,000 francs, celui des dépenses de 1,700,000 francs. En même temps, Dandolo n’avait garde d’oublier ses anciennes préoccupations agricoles. Des moutons furent achetés en Italie, des bœufs en Bosnie; le reboisement des montagnes, le dessèchement des marais, furent décidés.

Ces nombreux changemens ne purent se faire sans froisser bien des privilèges; cette rigueur à passer le niveau, cette administration si sûre d’elle-même ne tint pas toujours assez compte des droits historiques, des vieilles traditions; mais on sentait que ces nouveau-venus pensaient moins à eux-mêmes qu’au bien du pays, qu’avec eux étaient le progrès, la richesse, la prospérité. La guerre contre l’Europe arrêta ces réformes. La Dalmatie fut réunie aux provinces illyriennes. Marmont, il est vrai, continua la tradition de Dandolo, mais les attaques des Anglais et des Russes ne devaient plus cesser jusqu’au jour où nos derniers désastres rendirent