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volumes in-4o, c’est le résumé, avec commentaires, de tout ce qui a été écrit sur la folie par les auteurs grecs, latins, allemands, anglais, italiens et français. Cette œuvre, remarquable de lucidité, de méthode, de composition, a été faite par un pensionnaire de Charenton ancien magistrat, homme très sage, très instruit, très doux, qui parfois et tout à coup se voyait chargé par des escadrons de cavalerie lancés sur lui au galop. Il en ressentait une angoisse qui déterminait invariablement un accès de fureur.

Non-seulement le théâtre et le roman nous ont donné des idées erronées sur la folie réelle, mais ils ont accrédité dans la foule ignorante et crédule cette sottise des séquestrations arbitraires. Il n’y a pas à discuter le point de départ du dramaturge et du romancier; c’est un droit absolu pour chacun d’eux de prendre tel sujet qui lui convient, dans la vie, dans le code, dans l’histoire, où bon lui semble, — il suffit qu’un fait lui paraisse admissible pour qu’il puisse, s’il le veut, l’introduire dans son livre ou le mettre à la scène; c’est là un élément romanesque, rien de plus, et il n’a d’autre valeur que celle du mérite littéraire avec lequel il est présenté au public; mais que des esprits sérieux se soient laissé prendre à ces fictions, c’est ce qu’il est difficile d’admettre, surtout en présence de la loi de 1838, contre laquelle se sont accumulées tant de préventions, et qui s’est au contraire appliquée à donner des garanties multiples à la liberté individuelle.

Les lois sont les instrumens à l’aide desquels la société se protège contre les instincts naturels de l’homme ; or la folie est, le plus souvent, le retour aux instincts animaux, aux désirs impérieux, aux impulsions invincibles, au meurtre, au vol et au reste. Il était donc d’un intérêt social supérieur d’isoler les malades atteints de ce genre d’affection, de les mettre dans l’impossibilité de nuire aux autres et à eux-mêmes; mais il fallait éviter à tout prix qu’abusant d’un emportement momentané, d’une bizarrerie d’esprit, d’une irritabilité de caractère, on n’arrivât à faire séquestrer des personnes de raison saine qu’on aurait pu avoir un intérêt quelconque à faire disparaître en les enfermant. Aussi la loi de 1838, qui est à la fois loi d’assistance et loi de sécurité, a-t-elle entouré l’entrée d’un malade dans un asile de toutes les précautions imaginables et y fait-elle concourir des autorités différentes qui se contrôlent mutuellement. La loi distingue deux genres de placemens : le placement volontaire et le placement d’office. Pour opérer le premier, il est nécessaire d’être muni d’un certificat de médecin qui n’est point parent de l’aliéné et qui n’appartient pas à l’établissement où celui-ci demande son admission. Le directeur doit constater l’identité du malade, celle de la personne qui l’amène, et prévenir immédia-