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d’extinction, n’a jamais manifesté de tendance expansive, et, sauf quelques régions très circonscrites, on peut dire que le littoral de la Méditerranée n’a pas souffert des irradiations cholériques émanées de Constantinople.

Le dernier foyer et le plus dangereux est en Russie. Après une rémission qui a duré à peu près tout l’hiver, le choléra a reparu l’été dernier, et sévit dans toutes les contrées baignées par le Dniester et le Dnieper. Les villes de Kiev et d’Odessa[1] sont particulièrement frappées. M. Fauvel, dont l’autorité en ces matières est incontestable, n’hésite pas à considérer dès maintenant la Galicie et les principautés danubiennes comme très menacées. Si ces dernières sont atteintes, l’épidémie aura une voie largement ouverte pour gagner le centre de l’Europe par la vallée du Danube. Deux autres écrivains compétens, M. Tholozan, médecin français à la cour de Perse, et M. Pettenkofer, professeur à Munich, viennent de déclarer que le choléra est à nos portes; d’autres encore vont jusqu’à dire qu’il est déjà au milieu de nous. Il est vrai que des cas de choléra se montrent en Allemagne et en France, beaucoup moins nombreux chez nous que chez nos voisins; mais ce sont des cas isolés, ce n’est pas une épidémie. Celle qui sévit en Russie depuis quatre ans, d’ailleurs avec une médiocre violence, y reste presque absolument confinée, et rien jusqu’ici ne nous autorise à en regarder la néfaste visite comme imminente. Cependant il y a quelque opportunité à retracer l’origine, la marche géographique, la nature, la prophylaxie internationale et le traitement du choléra. Aucune grande question de médecine et d’hygiène ne présente, à côté de certitudes aussi bien définies, autant de mystères et de contradictions.


I.

C’est le lundi 26 mars 1832 que le choléra épidémique se montra pour la première fois à Paris. Quatre personnes, qui demeuraient dans des quartiers différens, furent atteintes dans la journée et moururent en peu d’heures. Le 31 mars, trente-cinq quartiers de la capitale se trouvaient envahis, et dès le lendemain les treize autres. Les malades offraient tous le même ensemble de symptômes. Déjà signalés par les médecins qui avaient observé la maladie dans les pays voisins, ces symptômes devinrent bientôt plus familiers que ceux de toute autre affection aux praticiens de Paris et du reste de la France.

  1. Kiev est chaque année le rendez-vous d’une foule de pèlerins qui viennent y adorer des reliques enfermées dans des galeries souterraines.