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tiques, une plus fidèle description de tous les détails du sol. On reconnaît ici les qualités que M. Guérin avait déjà montrées dans ses précédentes explorations. Nous possédons peu de voyageurs érudits qui aient plus de passion et de patience. Très jeune encore, il décrivit Rhodes, Patmos et Samos; plus tard, sur les instances et par les conseils d’un homme dont la science garde la mémoire, M. le duc de Luynes, il entreprit de visiter la régence de Tunis. En 1852, en 1854, en 1863, et enfin en 1870, il réunit les matériaux du présent ouvrage; sa lâche n’est pas finie, et un cinquième séjour en Palestine lui paraît nécessaire pour que son œuvre, déjà si avancée, réponde aux scrupules d’une conscience toujours difficile pour elle-même.

La méthode d’exposition adoptée par l’auteur est celle du journal. Il y a quelque inconvénient à suivre ainsi, sans vouloir s’en écarter, l’ordre des temps et les incidens de chaque heure; des résumés, des considérations d’ensemble, donneraient au récit plus de clarté, la pensée s’élèverait en devenant plus générale; mais le journal a des mérites de sincérité et de précision qui le font préférer par des esprits très exacts. Les Anglais surtout l’adoptent volontiers; le grand ouvrage du colonel Leake sur la Grèce est en ce genre un modèle. Le voyage est une enquête; ce sont les détails de l’enquête qui sont mis sous les yeux du lecteur à mesure qu’elle fait des progrès; il la suit, il la juge à chaque instant, et, s’il tient surtout aux opinions qu’il s’est formées par lui-même, non sans travail, il est pleinement satisfait. Le journal, dans ces trois volumes consacrés à la Judée, est toujours sévèrement scientifique; ce ne sont pas des impressions que donne l’auteur, ce sont des faits. Il semble qu’une telle suite de détails, exposés avec une sévérité de ton qui ne se dément pas, doive fatiguer l’esprit. Il en est tout autrement parce que l’histoire anime sans cesse le sujet. Les citations qui nous montrent l’aspect de la Palestine à tous les âges, et ce concours de sentimens si divers et si profonds qu’elle a inspirés depuis les patriarches jusqu’aux apôtres, jusqu’aux dames romaines et à saint Jérôme, jusqu’aux chevaliers francs et aux soldats de Bonaparte, la description des mœurs modernes, le tableau des sites célèbres, assurent au livre un intérêt littéraire que l’auteur n’a pas cherché. Le pays est vivant dans ces pages; on ne peut les parcourir sans éprouver cette impression unique que donne la terre sacrée qui a produit la religion, comme un autre sol, également béni et non moins cher à ceux qui ont eu le bonheur de le voir, a fait connaître à l’humanité le type idéal de la perfection plastique.

Nous avions de nombreux ouvrages sur la Palestine. Ce coin du vieux monde s’impose sans cesse aux méditations et aux recherches de la science; mais tous ces ouvrages étaient entrepris à un point de vue très particulier. Les recherches d’archéologie chrétienne font le mérite du livre de M. de Vogué sur les églises de terre-sainte. C’est surtout aux antiquités