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là depuis le retour de nos représentans, tout se résume dans ces mouvemens contraires, tantôt la campagne de la droite contre le gouvernement, tantôt la campagne de la gauche contre l’assemblée ; mars, comme après tout, dans la situation faite à la France, il faut que ces deux pouvoirs vivent ensemble, comme il n’y a pas plus de raison et de prévoyance à poursuivre la dissolution du gouvernement qu’à poursuivre la dissolution de l’assemblée, les partis viennent alternativement se briser contre une force des choses qui les domine et qu’ils ne savent même pas reconnaître. Est-ce que cette force des choses n’est pas assez visible ? Est-ce qu’elle n’apparaît pas sous toutes les formes et de tous les côtés dès qu’on veut essayer de passer de la mauvaise humeur à l’action ? Depuis que cette session, que M. Thiers appelait une session décisive, est rouverte à Versailles, la droite s’épuise en combinaisons, en marches et en contre-marches. À quoi est-elle arrivée ? Elle n’a réussi jusqu’à ce moment qu’à faire beaucoup de bruit pour rien, à créer une sorte de crise permanente d’où l’on ne peut sortir, à rendre plus sensibles les divisions profondes de l’assemblée, à provoquer par représaille ce mouvement de la dissolution qui n’a d’autre sens, qui n’aurait d’autre résultat que d’ajouter à nos embarras d’aujourd’hui des embarras plus redoutables encore. La première faute de la droite a été d’arriver à Versailles avec une impatience irritée et soupçonneuse, avec ces arrière-pensées de combat qui n’ont pas tardé à se faire jour, de prendre une attitude impérieuse et menaçante vis-à-vis d’un gouvernement avec qui elle avait mille raisons de rester unie, de se jeter aussitôt sur ce message de M. Thiers, qui n’a été en définitive que le prétexte d’une campagne où il y a eu des blessures pour tout le monde, où il n’y a eu de victoire décisive pour personne.

Ce message, dont on a tant parlé et qu’on a tant commenté, il ne disait pas tout ce qu’on lui a fait dire. Il ne suscitait pas des problèmes de fantaisie et ne décidait pas ce qu’il n’avait pas le droit de décider. Il retraçait une situation, qui existe après tout, en montrant l’opportunité d’examiner en commun ce qu’il y aurait à faire pour assurer à la France, dans les conditions où elle est placée, les garanties d’ordre et de sécurité dont elle a toujours besoin. Il ajoutait même un mot qui aurait dû faire réfléchir tous les conservateurs, lorsqu’il disait qu’il valait mieux que certaines questions fussent abordées et tranchées par une assemblée connue que par une assemblée inconnue. C’était tout à la fois une parole de prévoyance, un hommage à la puissance souveraine de l’assemblée actuelle, et une protestation indirecte contre la prétendue nécessité d’une dissolution. Comment a-t-on répondu à M. le président de la république ? On a commencé par nommer une commission, la commission Kerdrel ou la commission des quinze, comme on voudra l’appeler, qui semblait d’abord n’avoir d’autre rôle que d’examiner le message, et qui en est venue bientôt à prendre l’initiative d’une proposition