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poser les paysans ruthènes aux Polonais. La diète de Lemberg a récemment envoyé une adresse à l’empereur pour maintenir ses droits reconnus et consacrés. Elle ne refuse pas son concours, elle réclame le respect de la nationalité polonaise légalement représentée par la diète. La Galicie ne sera pas la seule à réclamer, et si essentielle, si pressante que soit cette question de la réforme électorale pour l’organisation constitutionnelle de l’Autriche, il n’est point impossible que, lorsqu’elle sera posée par l’initiative du ministère avec l’assentiment plus ou moins décidé de l’empereur, elle ne rencontre des difficultés et des résistances qui pourraient en ajourner la solution.

L’Espagne serait bien heureuse, si elle n’avait pour l’occuper et pour l’embarrasser que des questions de réforme électorale. Par malheur, elle a d’autres soins ; elle reste livrée aux luttes de partis irréconciliables dans le congrès de Madrid, aux insurrections qui se renouvellent incessamment dans les provinces, aux difficultés financières qui ne font que s’accroître, mettant à chaque instant le gouvernement dans l’impossibilité de faire face aux dépenses les plus urgentes, et avec cela le président du conseil, M. Ruiz Zorrilla, se félicite chaque jour des succès d’une politique qui fait de la Péninsule le théâtre privilégié de tant de merveilles. Que le chef du cabinet espagnol se complaise à constater l’impuissance des partis hostiles dans leurs tentatives contre le régime actuel, c’est possible, M. Zorrilla peut se livrer à ces constatations rassurantes dans le congrès. Les partis sont impuissans pour triompher, il est vrai ; à coup sûr ils sont assez puissans pour agiter le pays, pour entretenir une sorte de guerre civile presque permanente, qui ne s’arrête un instant que pour recommencer presque aussitôt.

Depuis quelques jours, une insurrection nouvelle a éclaté particulièrement en Andalousie sous le drapeau de la république fédérale. Les chefs du parti qui sont dans le congrès, M. Castelar, M. Pi y Margall, ont désavoué cette prise d’armes, sans doute, mais ils n’ont guère été écoutés. Le soulèvement n’a pas moins eu lieu sur un certain nombre de points à la fois ; la conscription a été le prétexte. Des bandes assez nombreuses se sont formées, et on a même cru un instant qu’un de ceux qui ont contribué à la révolution de 1868, le général Contreras, n’était point étranger à l’insurrection. Ces insurgés nouveaux peuvent être vaincus et mis en fuite dans leurs rencontres avec l’armée ; il n’est pas moins vrai qu’à Murcie il a fallu vingt heures pour les réduire, et à Malaga la lutte a duré aussi quelques heures ; à Alcoy, à Linarès, à Bejar, dans la Sierra-Morena, du côté de Valence, on s’est battu, et naturellement ces bandes signalent leur passage par toutes les déprédations. D’un autre côté, l’insurrection carliste n’est nullement vaincue, surtout en Catalogne, les chefs de bande se promènent partout, coupent les communications, rançonnent les voyageurs, entrent dans les villes, lèvent des contributions. Il y a peu de jours, un des principaux chefs s’est emparé avec sept cents