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publique conservatrice. M. Nioche, élu dans l’Indre-et-Loire, a renouvelé ses protestations même après le vote. L’élu du Calvados, M. Paris, s’était prononcé dans sa profession de foi avec une vivacité des plus énergiques. Le nouveau député de l’Oise, M. Gérard, ancien représentant de 1849, avait marqué d’avance sa place dans le centre gauche. Dans la Gironde également, un candidat qui n’avait d’autre titre que d’avoir été exilé en 1852 et qui a été soutenu par les radicaux, M. Caduc, a cru devoir se mettre sous le pavillon de M. Thiers.

À Alger, M. Crémieux a pris la cocarde de républicain conservateur, de sorte qu’on ne voit pas bien en quoi consiste cette victoire électorale que les radicaux ont revendiquée si bruyamment. S’ils ont triomphé, comme ils l’ont dit, ils n’ont certainement pas triomphé par eux-mêmes, ils se sont glissés à la suite du gouvernement, dont ils se sont proclamés les amis et les défenseurs, en dissimulant leur propre drapeau. Ce n’est pas là le seul fait significatif dans les élections. Si modérés qu’ils soient, ces nouveaux députés républicains n’ont pas réussi sans quelque difficulté. Dans l’Indre-et-Loire, M. Nioche a été serré de près par M. Paul Schneider ; un déplacement de quelques centaines de voix changeait le résultat. Dans le Calvados, les concurrens de M. Paris ont réuni plus de suffrages que M. Paris lui-même. Jusque dans la Gironde, le scrutin a été assez étrange. M. de Forcade La Roquette, malgré les souvenirs qui le rattachaient au régime impérial, malgré son titre d’ancien ministre de l’empire, M. de Forcade est arrivé au chiffre de 50,000 voix. Ces résultats ne laissent pas d’être assez curieux ; on peut les méditer avec fruit et voir surtout le danger d’offrir par des divisions des facilités inespérées au bonapartisme.

Qu’en faut-il conclure ? C’est évidemment une illusion de triompher ou de s’alarmer d’un vote qui n’est après tout que l’expression de l’incertitude des esprits et des opinions. En réalité, c’est un pays assez perplexe, qui vote ou qui croit voter pour un gouvernement auquel il doit la paix et la sécurité. Fatigué, excédé de révolutions, il ne se met pas à la suite d’un parti dont la victoire serait le signal de révolutions nouvelles, il se prononce par une sorte d’instinct pour ce qui existe ; il n’éprouve pas le besoin de changer de condition, surtout quand on lui parle de revenir à une monarchie qui représente à ses yeux tout un ordre évanoui, il demande tout simplement qu’on lui donne un régime régulier et sensé qui le protège dans son repos, dans son travail. Voilà ce que veulent dire les élections dernières ; elles signifient le repos dans la république, puisque la république existe, et ce que le pays demande, il faut le lui donner. Comment le lui donnera-t-on, si ce n’est par un certain nombre de mesures, qu’on appellera constitutionnelles si l’on veut, qui dans tous les cas tranchent des questions toujours irritantes, toujours menaçantes, en imprimant un caractère plus définitif à ce qui n’a été