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M. le ministre de l’instruction publique au sujet de la gymnastique, des exercices militaires, de l’équitation, de la natation, des promenades instructives des enfans. Si ce programme est suivi, l’éducation physique est complète : elle fortifie le corps et prépare à l’âme une saine habitation. Rien de mieux encore que tout ce que dit M. le ministre de l’instruction publique au sujet de l’enseignement de la géographie, de l’histoire. Ici cependant il resterait à savoir ce qu’entend M. Jules Simon lorsqu’il veut que, pour enseigner la géographie, on commence « par la description de la commune, de l’arrondissement, du département, pour n’arriver qu’en dernier lieu à la carte d’Europe et à la mappemonde. » Qu’on ne veuille pas tout d’abord inculquer à un enfant les notions transcendantes de la physique terrestre, nous le comprenons bien ; qu’on simplifie pour lui les élémens de la science géographique et qu’on ne lui dise que ce qu’il peut saisir, ce sera au mieux. En dehors de ceci, que peut bien être au juste ce genre de géographie recommandé par la circulaire ministérielle, et qui consiste à décrire aux enfans « les campagnes voisines de leur ville ou de leur village ? » M. Jules Simon s’est peut-être laissé tromper par un mirage de simplicité et de logique, et les enfans à qui on voudrait enseigner ainsi la géographie pourraient bien ne pas la savoir du tout ; c’est comme si l’on voulait les initier à l’étude de l’histoire en commençant par leur raconter les annales de leur ville ou de leur village. Ce n’est là, si l’on veut, qu’un point secondaire dans le programme ministériel ; le point délicat, épineux, c’est ce qui touche à l’enseignement classique, à ce qu’on appelait autrefois du beau nom d’humanités.

Il a été de mode pendant bien des années de jeter la pierre à ces malheureuses études classiques, de les représenter comme une vieillerie scolastique bonne à faire perdre du temps, à détourner les enfans de ce qui peut leur être le plus utile, des langues vivantes, des études professionnelles, des connaissances spéciales. Qu’on favorise, qu’on développe tant qu’on voudra ces études nouvelles, qui sont en effet nécessaires dans un siècle d’industrie, de démocratie laborieuse, de grand mouvement matériel : soit, on répond à des intérêts, à des instincts qui ont besoin d’une satisfaction. Il n’est pas moins vrai que tout ce qui affaiblit cette vieille et nourrissante instruction classique est une atteinte à la civilisation française elle-même, et, s’il y a cette sorte de décadence des forces intellectuelles dont on s’aperçoit aujourd’hui, c’est que l’enseignement classique n’est pas resté ce qu’il devait être. Les novateurs à courte vue se figurent qu’en mettant des enfans au régime de Virgile et de Cicéron on fait simplement des latinistes ; pas du tout, l’on fait bien autre chose que des latinistes, on fait des hommes, et l’objet de l’éducation est apparemment de faire des hommes avant de faire des magistrats, des ingénieurs, des soldats, des industriels. M. Jules Simon