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la Bavière et du Wurtemberg s’inquiéteront, et ce n’est pas chose à dédaigner dans ces pays, où déjà les catholiques sont contre nous. N’importe ; laissons-les crier. L’essentiel, pour le moment, c’est d’effacer les impressions de ceux qui ont deviné notre plan et l’ont empêché de réussir. »

Nous ne donnons pas ces conclusions comme acquises à l’histoire ; seulement, si nous comparons les conjectures diverses, si nous combinons entre eux les récits et les jugemens contradictoires de la presse germanique, nous avouons que cet exposé des faits offre une grande vraisemblance. Dans tous les cas, les controverses dont nous avons indiqué le résumé ont l’avantage de mettre en lumière plusieurs des questions qui agitent les Allemands et les Slaves. Elles nous montrent que, si en Bavière et dans le Wurtemberg la dureté du joug prussien a fait éclater des symptômes de résistance, les Allemands de l’Autriche, éblouis, aveuglés, incapables de voir ce joug, qu’ils maudiraient plus tard, n’aperçoivent qu’une chose : l’Allemagne, l’empire d’Allemagne, l’unité de l’Allemagne reconstituée par la Prusse !

Ainsi à propos de ce seul point : quelle a été la pensée première du cabinet de Berlin en provoquant cette entrevue ? comment ont été faites les invitations ? les deux empereurs d’Autriche et de Russie ont-ils été invités en même temps ou l’un après l’autre ? — à propos de ce seul point, nous avons vu les questions en suspens, les intérêts en jeu, les passions toutes prêtes. Ces renseignemens ont bien leur valeur historique. Voulez-vous cependant résumer tout cela dans une conclusion plus précise ou du moins le réduire à ce qui paraît certain ? Je conclurais volontiers comme la Réforme. Selon M. Franz Schuselka, la pensée primitive est plus simple. Il peut y avoir du vrai, beaucoup de vrai dans les plans relatifs à la Russie ; le prince de Bismarck a pu faire entrer en ses calculs les espérances du comte Andrassy, le comte Andrassy a pu compter sur les hardiesses du prince de Bismarck ; ce sont choses particulières aux deux chanceliers, simples ébauches d’idées qui pouvaient aboutir ou ne point laisser de traces. Quant à la pensée primitive, celle du personnage prépondérant, l’empereur d’Allemagne, voici manifestement ce qu’elle a été. Guillaume Ier a voulu deux choses : premièrement, faire reconnaître solennellement le nouvel empire d’Allemagne par l’héritier des souverains qui ont possédé pendant des siècles l’ancien empire. d’Allemagne ; deuxièmement, avertir la France qu’il n’y avait rien à tenter pour elle du côté de l’Autriche, qu’elle devait renoncer à tout espoir d’alliance avec les vaincus de Sadowa, devenus les soutiens du vainqueur.

Ce plan a-t-il réussi ? La Réforme répond sans hésiter : — non, ce plan n’a pas réussi. La Prusse est allée trop vite. Elle a blessé