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d’Erfürt. « Fort bien, répond la Réforme de Vienne ; mais suffit-il de citer les puissances qui prennent part aux fêtes militaires de Berlin ? Comptons, s’il vous plaît, celles qui n’y figurent pas. » Ici, les paroles sont trop intéressantes ; je ne veux plus résumer, il faut citer le texte même.


« Et d’abord la France n’y est pas représentée. Ah ! nous le savons bien, on croit aujourd’hui pouvoir ignorer absolument la France, on croit qu’il n’en faut pas tenir compte. On s’abuse, on se trompe et d’une façon dangereuse. La France avant peu se sera relevée assez vigoureusement pour avoir le droit d’exiger comme autrefois que sa parole soit entendue dans toutes les affaires importantes. Plus on combine d’arrangemens, plus on fait d’innovations sans se soucier de la France, avec la pensée hostile et arrogante qu’elle n’a plus le droit de parler dans les conseils de la grande politique, plus haut et plus puissamment retentira un jour son veto. L’Angleterre non plus n’a pas de représentant au congrès impérial de Berlin. On dit bien, il est vrai, que l’Angleterre s’est désintéressée des affaires du continent ; elle les examine pourtant avec une attention pénétrante et les soumet à une critique précise. L’Angleterre, il y a un demi-siècle, a marché d’accord avec l’ancienne sainte-alliance jusqu’au jour où Castlereagh, le ministre réactionnaire, se coupa la gorge avec son canif. L’Angleterre d’aujourd’hui, bien loin de se mettre au service d’une sainte-alliance nouvelle, lui fera opposition de la manière la plus décidée. L’Angleterre a sa place dans la pentarchie, comme on dit, dans le concert des cinq grandes puissances dirigeantes ; elle n’admettra jamais une triarchie composée de l’Allemagne, de l’Autriche, de la Russie, et dont la direction serait à Berlin. L’Italie non plus n’est pas représentée au congrès des empereurs. C’est un fait caractéristique. Victor-Emmanuel est pourtant l’allié de Guillaume Ier en même temps qu’il est l’ami très loyal de l’Autriche ; de plus, une des questions principales dont on doit s’occuper à Berlin est une question de vie ou de mort pour l’Italie, nous parlons de la question romaine, et Victor-Emmanuel, le nouveau roi national, n’assiste pas au congrès ! Tout cela est de nature à faire réfléchir. Et les rois de l’Allemagne du midi sont-ils allés au congrès princier de Berlin ? Non. Permis de railler là-dessus aux Prussiens et à tous les partisans de l’Allemagne prussienne ; mais l’amertume de ces railleries montre qu’il y a des points très noirs dans le ciel momentanément si radieux de la fortune des Hohenzollern.

« Si l’on pense à tous les autres états qui ne sont pas représentés à Berlin, il est impossible de ne pas trouver parfaitement ridicule la prétention de ceux qui ont déclaré que le congrès dont il s’agit est un congrès princier européen, et qu’il y serait pris des résolutions obligatoires pour l’Europe entière. D’autant plus ridicule est cette prétention que