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mais nous sommes portés à croire qu’elles pourraient être très larges. Il faut enseigner solidement les grandes époques historiques, et laisser à l’étude personnelle le soin de combler les lacunes, car c’est une grande erreur de croire qu’il faille tout apprendre aux écoliers, comme si cela était possible. Il faut surtout leur inspirer le goût d’apprendre. Accumuler indéfiniment les matières d’enseignement, c’est semer l’ignorance. Pour la géographie, qui avait été trop négligée, on a eu raison de lui faire sa part, et de lui attribuer un enseignement spécial. Rien de mieux ; cependant ici encore il faudrait de la mesure et de la sobriété. Une bonne géographie physique est la base de tout le reste. Celui qui aura dans les yeux et dans l’imagination la configuration précise du globe, notamment celle de l’Europe et de la France, — pourra y caser plus tard tous les faits géographiques particuliers. La géographie militaire et la géographie commerciale, qui sont les deux plus grandes applications de la géographie physique, n’ont pas besoin d’être enseignées au collège, et ressortissent aux écoles spéciales. Enfin chacun doit se borner ; tel est le principe fondamental que tout le monde doit avoir devant les yeux. Que chacun veuille bien faire des sacrifices dans l’intérêt commun ; ces sacrifices seront moins pénibles quand ils seront faits par tous à la fois, et quand le but bien démontré sera l’utilité publique.

On remarquera que dans les pages qui précèdent nous ne nous sommes pas placés au point de vue d’un système pédagogique plutôt que d’un autre. Nous n’avons pas opposé l’esprit scientifique à l’esprit littéraire, l’Allemagne à la France, la philologie à la rhétorique, nous n’avons pas pris part dans ces disputes où l’on s’irrite sans profit ; nous sommes partis d’un fait positif, palpable, accessible à tous, supérieur à toute discussion, à savoir la nécessité d’apprendre les langues vivantes dans nos collèges, — fait qui lui-même est né, non d’une théorie quelconque, mais d’un autre fait implacable, la conquête et l’invasion. Il est inadmissible pour tout homme sensé que l’on puisse introduire une langue de plus dans nos études sans qu’on s’en aperçoive. La nécessité de certaines réductions était donc une conséquence inévitable. On peut contester au ministre de l’instruction publique telle ou telle suppression en particulier, on ne peut lui contester le principe. Pour nous, nous aurions peut-être été hardiment jusqu’à la suppression du grec comme obligatoire, nous fussions revenus à l’état de l’Université primitive ou à celle du XVIIIe siècle ; mais, si l’on reculait devant une telle mesure, il ne restait rien autre chose que de réduire les exercices écrits, du moins les exercices latins. On craint que la culture libérale ne soit sacrifiée aux études matérielles, — il faut commencer