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laissa pas après lui le souvenir d’une réforme quelconque, d’une tentative de progrès même partielle. Coypel, avec son inconstance ordinaire, se dégoûta-t-il des fonctions dont il s’était trouvé inopinément revêtu ? Quelque difficulté administrative survint-elle, qui troubla ou compromit la bonne intelligence entre lui et ses collègues ? Toujours est-il qu’après une seule année d’exercice, il se démettait de sa charge, et, comme si l’épreuve une fois faite on eût craint de la renouveler, ce ne fut pas un artiste qui recueillit son héritage. Par un retour aux anciennes coutumes, on fit choix d’un érudit, d’un simple bibliophile même, employé depuis quelques mois au cabinet des estampes, et les choses n’en allèrent ni pis ni mieux. Delacroix, qui avait remplacé Coypel au commencement de 1737, se contenta de maintenir les collections du cabinet dans l’état où elles se trouvaient au moment où il en reçut la garde. Bien que sa gestion ait duré plus de treize années, les résultats en demeurèrent à peu près nuls, ou se réduisirent tout au plus à quelques améliorations de détail, à quelques innovations timides dans le classement des recueils et dans l’organisation du service.

Ce n’est qu’à partir de l’époque où Hugues-Adrien Joly entre en fonctions (mai 1750) que la vie semble se réveiller là où Coypel et Delacroix l’avaient, volontairement ou non, laissée s’engourdir. Une ère de progrès continu s’ouvre alors pour le cabinet des estampes sous la direction la plus féconde dont nous ayons, dans l’histoire de ce cabinet, à enregistrer les souvenirs, et bientôt des acquisitions judicieusement faites, des donations habilement provoquées, viennent accroître la collection royale, tandis que de sages mesures, en modifiant certains règlemens intérieurs, achèvent d’assurer le classement exact des pièces, d’en faciliter la communication et d’établir partout le bon ordre.


II

Le nouveau garde des estampes n’était pourtant ni un artiste initié par ses propres travaux à tous les secrets du métier, ni un savant rompu de longue main aux difficultés archéologiques. Homme du monde tout juste assez lettré peut-être pour rédiger en termes à peu près corrects une lettre officielle ou un rapport, mais très certainement homme de goût et d’esprit, Joly avait dû sa nomination à la bienveillance générale qu’inspirait sa personne, à l’amitié particulière de Coypel et à ses relations avec quelques personnages en haute situation à la cour. Restait maintenant pour lui à justifier par son zèle une faveur d’autant plus exceptionnelle que la jeunesse même de celui qui l’obtenait en dissimulait moins l’origine et le