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actuellement existans dans les églises ou dans les palais. D’une part, Fontette s’en tenait aux œuvres de la gravure ; de l’autre, les progrès ou les variations de l’art français avaient beaucoup moins d’intérêt à ses yeux que les annales de la France même, que l’histoire de sa vie générale, de sa civilisation, de ses mœurs. En un mot, tout en cherchant ses informations et ses preuves ailleurs que dans les documens écrits, il procédait à la manière des bénédictins de Saint-Maur, et renouvelait sous une autre forme quelque chose de l’entreprise accomplie par les savans éditeurs de la Collection des historiens de France et de la Gallia christiana.

Par ses origines comme par ses aptitudes personnelles et les habitudes laborieuses de toute sa vie, Charles-Marie de Fontette était mieux que personne en mesure de mener à bonne fin une pareille tâche. Né à Dijon en 1710 dans une famille où se perpétuait depuis, plus d’un siècle la tradition des études sérieuses et du généreux emploi de la richesse[1], pourvu dès l’âge de vingt-six ans d’une charge de conseiller qui, en le maintenant au rang qu’avaient occupé ses pères, lui imposait aussi le devoir d’allier à leur exemple les mérites de l’érudit et du lettré aux mœurs sévères du magistrat, enfin possesseur d’une admirable bibliothèque et doué d’une imperturbable mémoire, — il n’avait, pour édifier le monument auquel il devait attacher son nom, qu’à combiner les matériaux placés les uns à portée de sa main, les autres à des distances d’où sa fortune, aussi bien que son propre savoir, lui permettait de les attirer à lui.

Fontette toutefois, en composant sa collection, ne se bornait pas à rassembler des estampes et à les classer dans un ordre chronologique. A ces pièces historiques, collées sur des feuilles de papier portant chacune l’indication et la date du fait représenté, il ajoutait, en forme de commentaires, des observations manuscrites dont les termes peuvent quelquefois paraître un peu surannés, mais qui le plus souvent révèlent chez l’annotateur un jugement aussi sain qu’une connaissance approfondie des choses ou des personnages en cause. De plus, tout en poursuivant ce vaste travail d’iconologie, il préparait une nouvelle édition de la Bibliothèque historique du père Lelong, il en complétait ou en modifiait le texte suivant ce qu’il avait lui-même appris ou découvert, et, après quinze années d’application et de recherches, il publiait le premier volume de ce grand ouvrage ainsi refondu, — sauf à regretter modestement dans la préface, à s’accuser presque de n’avoir pas su faire mieux.

  1. Le bisaïeul de Fontette était ce Charles Fevret, conseiller au parlement de Bourgogne, dont un livre, le Traité de l’abus, est resté célèbre. Le fils de Charles Fevret, conseiller au parlement de Bourgogne comme son père et sous-doyen de sa compagnie, fonda la bibliothèque publique de la ville de Dijon.