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conservées dans notre Bibliothèque nationale une épreuve sur papier d’une plaque d’argent, d’une paix[1] représentant le couronnement de la Vierge, gravée et niellée par Maso Finiguerra pour le baptistère de Saint-Jean, à Florence. Or cette paix, — les registres du baptistère en font foi, — avait été livrée en 1452 par l’orfèvre florentin, qui avait reçu alors le prix fixé pour la rémunération de son travail. Zani se rappelait le fait, et de plus il avait eu l’occasion de voir assez récemment à Livourne, dans la collection Seratti, une contre-empreinte en soufre de la composition gravée sur la plaque originale. L’épreuve sur papier qui venait de frapper ses regards avait donc, à quelques jours près, le même âge que cette épreuve en soufre. Il fallait nécessairement que Finiguerra l’eût tirée avant l’opération de la niellure, c’est-à-dire avant l’introduction dans les tailles de l’émail noir qui devait s’y incruster ; il fallait qu’il l’eût prise au moment où les travaux de gravure proprement dite étaient seuls terminés, par conséquent à une époque antérieure à la fin de cette année 1452, signalée dans les archives du baptistère comme la date de l’achèvement et de la livraison de l’ouvrage. Il fallait enfin que cette petite feuille de papier, déjà vieille de plus de trois siècles, eût été imprimée à Florence quatorze ou quinze ans plus tôt que l’estampe allemande au burin la plus ancienne, de l’aveu même de Heinecke et des siens.

On devine l’empressement de Zani à rechercher tout ce qui pouvait convertir ses suppositions en argumens positifs et sa secrète espérance en certitude. Quelle joie pour lui, qui n’avait cessé de soutenir la cause de Finiguerra avec plus de zèle et de conviction qu’aucun de ses compatriotes, mais avec une conviction tout instinctive, quel surcroît d’honneur pour l’Italie, s’il arrivait à produire la preuve irrécusable de la justesse de ses pressentimens et de la vanité des prétentions élevées par les Allemands ! Le moyen pourtant dans une conjoncture aussi grave de se fier uniquement à ses souvenirs ? D’ailleurs, crier victoire avant l’heure, n’eût-ce pas été s’exposer au danger de recevoir plus tard quelque péremptoire démenti ou de céder involontairement ses droits à quelque survenant en humeur de se faire valoir ? Zani sut attendre en silence le jour où il pourrait sans péril proclamer sa découverte ; mais lorsque ce jour fut arrivé, lorsqu’un dessin fait sur sa demande à Florence d’après la paix même du baptistère lui eût permis de constater l’identité absolue de l’épreuve avec l’œuvre originale, — sauf la reproduction de celle-ci en sens inverse et par conséquent dans le

  1. Il est d’usage de désigner ainsi une plaque de métal que, dans les messes solennelles, le célébrant, pendant qu’on chante l’Agnus Dei, donne à baiser aux membres du clergé et aux fidèles en adressant à chacun d’eux ces paroles : Pax tecum.