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L’ancienne clientèle des banquiers ne se composait que de gens riches, payant largement les services de leurs mandataires ; le petit public, celui qui par les minces ruisseaux fait les grosses rivières, n’aurait jamais compris qu’il valût mieux avoir son argent dans une banque que chez soi, et qu’on soldât tout aussi facilement les achats de chaque jour avec un bon sur cette banque qu’avec des espèces métalliques. Ce n’était pas le marchand, déjà habitué aux effets de commerce, que le chèque devait étonner le plus, c’était l’acheteur qui pouvait le trouver incommode ou dangereux. Aussi, pour répandre l’emploi des chèques et pour introduire peu à peu l’usage des dépôts, a-t-il fallu promettre au public monts et merveilles, d’abord lui donner de gros intérêts, se faire ensuite son serviteur gratuit, non-seulement encaisser son argent, mais garder ses titres, en toucher les coupons et lui payer un intérêt des semestres encaissés, le tout à si peu de frais que le sacrifice fût pour la banque et non pour le client. Enfin on a dû prendre, avec les commissions les plus réduites, le soin d’opérer les achats et ventes de valeurs mobilières en garantissant même la solvabilité des officiers ministériels chargés des opérations. Au lieu d’être simplement les caissiers du public sans lui payer aucun intérêt de son argent, comme les premières banques en Écosse, nos établissemens de crédit ont accumulé les services de caisses, de titres, de nantissement, de bourse, en servant aux dépôts des intérêts très élevés et en courant toutes les chances des opérations auxquelles ils devaient se livrer eux-mêmes pour couvrir leurs dépenses et rémunérer leur capital de garantie. En dépit de tous ces efforts, le mouvement n’a pas été bien rapide. Ainsi le Crédit foncier n’avait environ que 1,200 comptes de dépôts ouverts au 31 décembre 1871, la Société de crédit industriel et commercial 5,500, le Crédit lyonnais 12,500, la Société générale 13,500. L’ensemble de ces dépôts atteignait 40 millions 1/2 au Crédit foncier, 16 millions au Crédit industriel, 30 millions au Crédit lyonnais, et 87 millions à la Société générale. À ces comptes de chèques et de dépôts à vue, il faudrait ajouter aussi ce que l’on appelle les comptes de dépôts à échéances fixes, qui sont représentés par des obligations payables à terme, et produisent naturellement des intérêts plus élevés. L’émission de ces obligations s’élève à des chiffres plus ou moins considérables : au 31 décembre 1871, le Crédit lyonnais en avait placé pour près de 21 millions, la Société générale pour près de 30. Il faut remarquer que, dans les momens où les valeurs publiques et notamment les fonds d’état offrent des placemens plus avantageux, on ne saurait attendre des capitalistes un grand empressement à immobiliser pour un certain délai des fonds qui ne produisent pas l’intérêt que donne la rente. C’est le cas pour les années 1871-1872. Le 5 pour 100 français