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saurait être contesté. Au VIe siècle, Byzance achève, sanctionne et promulgue le droit romain. Au XIIIe, elle tente une réforme religieuse d’une haute portée : elle a dans Léon l’Isaurien et dans Constantin Copronyme son Luther et son Calvin. Au XIIIe siècle, c’est elle qui provoque la renaissance italienne. Durant tout ce temps, cette nouvelle Rome a consolidé, converti, civilisé, organisé le monde slave. L’empire russe est sa plus grande, mais non sa seule création. Déjà frappée par la rude main des Occidentaux, dans un état de faiblesse extrême, elle tint en suspens l’inévitable triomphe des Turcs. A la faveur de sa résistance inespérée, la Pologne, la Bohême, la Hongrie, l’Autriche, s’étaient préparées à leur rôle glorieux de défenseurs de la religion et de la civilisation.

En dépit de ses incontestables services, le bas-empire restera antipathique à bien des gens ; mais la sympathie et l’antipathie n’ont rien de commun avec la science. Le naturaliste étudie sans rancune comme sans scrupule tous les êtres. L’historien sérieux procède de la même façon. Il s’avoue satisfait quand il s’est rendu un compte exact du fond constitutif et de la corrélation des parties. C’est ce que n’ont eu garde de faire ceux qui reprochent au bas-empire ses disputes théologiques. Or la théologie était la forme supérieure de son activité intellectuelle. Ne voit-on pas que combattre l’hérésie et le schisme, c’était défendre en même temps l’unité politique ? D’autre part, plus d’une fois sous une hérésie s’est caché un grand projet qui, s’il eût abouti, aurait notre approbation. Admirer la diplomatie de Byzance et mépriser sa théologie, la grande école et l’instrument puissant de cette diplomatie, c’est le comble de l’inconséquence. D’ailleurs les questions sociales se sont mêlées à la théologie, comme de nos jours elles se mêlent à l’économie politique. Lorsque l’on compare la démagogie byzantine, enragée de théologie, avec notre démagogie française, déchaînée par des passions vulgaires, force est de reconnaître que l’avantage reste plutôt à la première. Quant aux jeux du cirque, où s’étalaient tous les vices d’un peuple turbulent et corrompu, on y retrouve le régime de Rome impériale, « du haut-empire, » pnaem et circenses, transporté dans la cité de Constantin.

Ce n’est qu’à partir du XVIIe siècle que les études byzantines commencèrent en France. Qui n’a nommé Du Cange, l’illustre érudit, et le président Cousin, le vaillant traducteur ? Au XVIIe siècle, Lebeau écrivit son Histoire du bas-empire, qui, revue de nos jours par Saint-Martin, reste un guide précieux. Les philosophes de l’Encyclopédie et leurs disciples s’emparèrent de ces annales, où leur critique trouvait une si riche matière. L’Anglais Gibbon traita le même sujet que le Français Lebeau, avec une plume autrement exercée et