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que les orthodoxes et plus disposés à entrer dans les cadres étroits du fonctionnarisme impérial, offraient de plus sérieuses garanties. Il voulut recevoir le baptême d’un évêque arien. Tel fut, ne l’oublions pas, le premier empereur chrétien.

Sous les successeurs de Constantin, la lutte continua entre le paganisme, l’arianisme et l’orthodoxie. Trois solutions religieuses et politiques différentes étaient en présence. Le paganisme aurait ramené peut-être l’ère des Antonins, mais plus sûrement celle des princes syriens. L’arianisme livrait sans scrupule l’église au souverain, qui, dans cette donnée, ne différait plus guère des monarques asiatiques. L’orthodoxie au contraire laissait à l’épiscopat sa forte organisation, au peuple quelque indépendance religieuse et quelque dignité ; mais, au nom d’une théologie intolérante et étroite, elle proscrivait la philosophie, cette mère vénérable de la théologie, elle rétrécissait, elle mutilait la pensée humaine pour assurer la concorde durant cette vie et le salut après la mort.

Ces trois solutions furent successivement tentées. Le paganisme avait prévalu sous Julien, l’arianisme sous Valens. L’orthodoxie évinça ses adversaires sous Théodose le Grand. De ce moment, le développement du byzantinisme fut arrêté. Son activité ne put s’exercer que dans un champ bien délimité : la théologie au dedans, la diplomatie au dehors, en furent les principaux objets. Les controverses politiques et philosophiques disparurent progressivement. Basile de Césarée avait rendu un immense service en tempérant la ferveur antihellénique qui, après avoir détruit les plus beaux temples païens, aurait volontiers livré aux flammes tous les livres païens. Grâce à ces ménagemens, Byzance put conserver, dans de magnifiques bibliothèques, ces chefs-d’œuvre de l’esprit humain, dont la source était à jamais tarie.

La substitution du byzantinisme théologique et diplomatique à l’hellénisme poétique et critique est l’un des plus curieux phénomènes que présente l’histoire. On laissait se développer librement cette théologie subtile, en qui se résuma l’existence intellectuelle de la nation : vivante elle-même par conséquent et vraiment partie constitutive de l’état, elle entretint la vivacité naturelle des Grecs ; mais, en voulant au nom du catholicisme et de l’orthodoxie assigner partout ailleurs des bornes à la pensée, on se condamna dans les sciences profanes aux formules, aux rubriques et aux recettes.

C’est à partir du règne de Théodose que Constantinople offrit enfin une physionomie bien arrêtée. C’est de cette époque que date pour elle une existence diminuée sans doute, mais indépendante et propre ; jusque-là elle avait été contrainte et peu écoutée. Telle qu’elle était en effet, — avec son monarque, son orthodoxie, sa