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absolu. Cette domination sacerdotale avait naturellement passé à l’archevêque de Césarée ; mais le christianisme, en civilisant cette province, sorte de Béotie asiatique, avait fait mentir les malveillantes épigrammes de Lucien. C’est en Cappadoce que naquirent les plus éloquens pères de l’église. 4° Les Syriens, dont Antioche était la métropole, s’enorgueillissaient en outre de Jérusalem, la ville sainte, du tombeau du Christ et de la vraie croix. Ils exploitaient fort habilement tous ces avantages. De Syrie, et non d’ailleurs, sortaient ces Grecs affamés et vantards qu’a poursuivis la verve indignée de Juvénal ; mais les captateurs de testamens s’étaient très opportunément transformés en captateurs d’évêchés. Nous avons observé que les patriarches de Constantinople les plus marquans venaient de Syrie ; plus d’une fois leurs prétentions politiques les précipitèrent dans l’hérésie. 5° Les Égyptiens étaient le plus instruit et le moins dépendant de tous les peuples du bas-empire. Chez eux s’élevait et brillait Alexandrie avec son incomparable bibliothèque, son école néo-platonicienne et sa théologie mystique.

Ce n’est qu’au VIIe siècle que la Syrie et l’Égypte, conquises par les Arabes, cessèrent de faire partie du bas-empire. C’est au VIIe siècle également que l’invasion des Slaves modifia d’une manière notable l’ethnographie des provinces que l’islamisme avait respectées[1].

Vers la fin du IVe siècle, on constatait dans l’ensemble de la région orientale, au-dessus des tendances locales que nous avons signalées, des tendances générales. Toute cette région était préparée à accepter un régime autocratique, théologique et monacal. C’est sous Valens que l’histoire signale pour la dernière fois une réaction violente, toute romaine, contre ceux « qui recherchent la paresse, et qui s’enfuient dans les déserts pour se soustraire à leurs devoirs civils. » — L’autocratie était le despotisme asiatique transformé et ennobli par la conception républicaine et impériale de Rome ; la théologie était la partie survivante de la philosophie ; le monachisme était l’inertie et l’extase orientales transportées au sein du monde grec. L’Occident formait sous ce triple rapport un contraste frappant avec l’Orient. Il répugnait au pouvoir absolu d’un seul homme, et, s’il l’avait subi maintes fois, il ne l’avait pas érigé en théorie ; il ne se laissait pas non plus éblouir et dominer par les controverses religieuses, et chez lui la simplicité de la foi s’alliait même à l’intolérance ; enfin, quand il accepta la vie cénobitique,

  1. Pour ces modifications, voyez l’Empire grec au dixième siècle, par M. Alfred Rambaud.