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était grevé au profit du trésor dépendaient de celui qui exploitait les fosses, de son activité et de son industrie ; on n’avait donc pas admis que cette responsabilité et cette direction pussent passer, comme un simple accessoire de la fortune, des mains d’un habile ingénieur dans celles d’un incapable. De là cette exception, la seule que contînt le serment prêté par celui qui, sommé de faire un échange, remettait l’inventaire de ses biens : « je déclare loyalement et justement ma fortune, en exceptant seulement les capitaux que j’ai dans l’exploitation des mines, capitaux auxquels la loi accorde une immunité spéciale. « Peut-être était-il possible de faire réserver certains droits contestés, qui ne pouvaient encore être comptés avec quelque précision ni parmi les avantages ni parmi les charges ; c’est du moins ce que ferait supposer l’intention témoignée par Démosthène de porter le débat sur ce terrain. D’autre part, en le voyant céder si vite, nous inclinons à croire qu’il n’était pas lui-même bien sûr de son droit. Les cas où ces réserves étaient possibles n’avaient sans doute pas été déterminés d’une manière bien rigoureuse ni par la loi ni par la jurisprudence. C’est que les sommations d’échange aboutissaient rarement à un débat judiciaire ; on ne les adressait guère qu’à ceux qui avaient intérêt à ne les pas accepter.

Qu’il eût ou non raison sur le point controversé, Démosthène avait cru devoir acheter du dernier lambeau de son avoir le droit de traîner enfin ses tuteurs devant un tribunal. Peu de temps après, le débat s’ouvrit. Nous possédons les deux discours prononcés dans cette affaire par le célèbre orateur, et qui furent ses débuts[1] ; il avait alors un peu plus de vingt ans. À défaut d’autre mérite, ces compositions auraient déjà l’avantage de nous avoir conservé sur l’adolescence et la jeunesse du grand homme d’état plus de renseignemens que ne nous en donnent Plutarque et les autres biographes ; jusqu’ici, c’est surtout à cette source que nous avons puisé. Là pourtant n’est pas tout l’intérêt de ces discours. On y trouve, comme en germe, les qualités qui feront plus tard la gloire de Démosthène, la netteté de son exposition, la fermeté de son raisonnement, cette discussion serrée, ces dilemmes où il aime à enfermer son adversaire, et par-dessus tout un ton qui inspire la confiance et commande le respect. Dans ce premier essai d’un novice plaidant une juste cause, il y a déjà de l’autorité.

Le discours par lequel s’engageait le débat s’ouvre par un exorde simple, modeste, aisé, bien calculé pour produire une impression

  1. Nous disons les deux discours, quoique l’on trouve dans la collection démosthénienne un troisième discours intitulé défense de Phanos contre Aphobos, qui l’a accusé de faux témoignage. Avec Ant. Westermann et A. Schœfer, nous nous refusons à regarder comme authentique ce discours, d’ailleurs dénué d’intérêt.