Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/488

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à ses dépens, ne dut point s’y tromper un instant. Avoir obtenu qu’Aphobos fût condamné à lui payer 10 talens, c’était fort bien ; mais de là à toucher les 10 talens il y avait loin. Le condamné n’était point homme à s’incliner docilement devant l’arrêt du tribunal ; il ne quitterait point la partie pour si peu.

Certaines lacunes, certaines imperfections de la législation athénienne favorisaient singulièrement les débiteurs de mauvaise foi. L’état était le seul créancier qui trouvât dans la loi une protection vraiment efficace. Ceux qui avaient contracté des dettes envers lui se voyaient d’abord frappés d’atimie ou de déshonneur, c’est-à-dire privés de leurs droits politiques et parfois même, car il y avait plusieurs degrés dans l’atimie, de certains droits civils. Ce n’était point tout : l’état avait prise sur la personne même du débiteur ; il pouvait le jeter en prison, le faire mourir dans les fers. Le trésor parvenait ainsi, dans la plupart des cas, à recouvrer les sommes qui lui étaient dues. Si le débiteur se trouvait réellement insolvable, encore l’atimie, qui le mettait pour ainsi dire en dehors de la cité, était-elle un châtiment sévère, un avertissement à l’adresse de quiconque serait tenté d’encourir cette même responsabilité. S’agissait-il au contraire d’une affaire entre particuliers, le créancier ne pouvait plus compter sur aucune de ces garanties. Avant Solon, la législation athénienne avait été, en ce qui concerne les dettes, tout à fait semblable à la législation primitive de Rome. Elle avait atteint, comme le gage principal de la dette, le corps même du débiteur ; elle lui avait imposé, en cas de non-paiement, une servitude pénale des plus dures. Le droit du créancier allait, à ce qu’il semble, jusqu’à la faculté de transporter son débiteur hors même du territoire de l’Attique et de le vendre comme esclave en pays étranger. La réforme de Solon, suivie sans doute d’autres lois analogues, avait fait disparaître ces rigueurs. Dans l’Athènes du Ve et du IVe siècle, on ne trouve plus trace de rien qui ressemble à la contrainte par corps en matière de dette privée. Il n’y a qu’une exception, la même que comporte encore aujourd’hui la loi française : quand le débiteur était un étranger, le créancier pouvait le faire arrêter, s’il ne présentait un citoyen solvable qui répondait pour lui ; autrement il eût été trop facile de prendre la fuite. On peut donc dire d’une manière générale qu’Athènes ne connaissait point l’emprisonnement pour dettes. C’était aux prêteurs de prendre des informations, de bien placer leur confiance et leur argent. S’étaient-ils trompés, ils pouvaient toujours s’adresser au jury ; on avait toute chance d’en obtenir un arrêt favorable, pourvu que la somme eût été comptée devant témoins, comme cela se faisait d’ordinaire, ou que le contrat eût été rédigé par écrit, comme c’était l’usage