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maison et de quelques esclaves ; quant à l’argent, aux meubles et aux objets de quelque valeur, tout avait déjà été déménagé et transporté chez Onétor. L’immeuble ne valait guère que 2,000 drachmes ; on était encore loin de compte. Démosthène voulut alors saisir un domaine rural évalué à un talent ; mais, quand il se présenta, il se trouva en face d’Onétor. Celui-ci l’attendait sur le terrain ; il se montra insultant et dédaigneux, il refusa de tenir compte des observations de Démosthène. Une borne hypothécaire enfoncée dans le sol désignait le champ comme engagé pour un talent à Onétor à titre de garantie pour la dot que celui-ci aurait comptée à son beau-frère Aphobos quand il lui avait donné sa sœur en mariage. En vertu de cette hypothèque, Onétor somma Démosthène de ne plus rien prétendre sur ce domaine. L’hésitation n’était pas permise ; sous peine de perdre tout le bénéfice du succès si péniblement obtenu, il fallait se résoudre à prendre Onétor en partie. L’aventure était périlleuse ; avec sa grande fortune, ses relations, son éloquence habile et fleurie, Onétor était un adversaire autrement redoutable qu’Aphobos. Démosthène entama contre Onétor, pour cause d’expulsion illégale, l’instance dont nous avons expliqué le principe et indiqué le but. Pour mettre Aphobos en demeure de s’exécuter, pour opérer les saisies, pour attaquer Onétor, pour échanger les sommations que comportait la procédure athénienne, il avait fallu du temps. L’affaire de Démosthène contre Onétor ne vint devant le jury que vers la fin de l’année 362, c’est-à-dire une année environ après que le jeune homme avait gagné son premier procès.

Rien de plus facile à résumer que la question litigieuse sur laquelle porte le débat. Aphobos a-t-il réellement reçu la dot de sa femme ? Tel est le problème que les juges ont à résoudre. Voici les faits de la cause, tels du moins qu’ils résultent du plaidoyer de Démosthène et de sa réplique. En 366, Aphobos prit pour femme la sœur d’Onétor. Celle-ci avait épousé en premières noces un citoyen riche et considéré, Timocrate. Timocrate fut appelé par la mort d’un de ses parens à recueillir un héritage en épousant l’héritière ; il avait donc dû divorcer pour remplir ce que la loi athénienne considérait comme un service rendu à la famille et à la cité. De sa maison, la jeune femme passa dans celle d’Aphobos. Il était déjà facile alors de prévoir que Démosthène, dès qu’il serait en âge, attaquerait ses tuteurs. Onétor, ne voulant point compromettre la fortune de sa sœur en la laissant entrer dans le patrimoine d’un homme placé sous le coup d’un pareil procès, ne livra point à son beau-frère le capital de la dot ; il fut convenu par-devant témoins que celle-ci resterait jusqu’à nouvel ordre entre les mains de Timocrate. Celui-ci en paierait l’intérêt au taux de 5 oboles par mine