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si savantes, si habilement enchaînées, qui décrivent la marche des affaires matérielles du pays, finances, industrie, commerce. Il faut aller tout de suite à la politique, puisque c’est sur ce point que va s’ouvrir un débat qui aura nécessairement pour effet de mettre toutes les opinions en présence, de dissiper les « malentendus » ou les « équivoques » dont a parlé M. de Kerdrel, et peut-être de trancher le nœud des difficultés du moment. D’ici à peu de jours du reste, et même avant qu’une commission ait eu le temps d’entreprendre l’examen délicat qu’on lui a infligé, il va y avoir une autre discussion provoquée par M. le général Changarnier, et les explications du gouvernement ne feront sans doute que rendre plus sensibles le vrai caractère et la portée de la politique du message.

Au fond, quelle est la pensée de M. Thiers ? Elle n’a certes rien d’ambigu ni même d’imprévu ; elle est le résultat de l’expérience d’un homme qui, par devoir, comme il le dit, a depuis deux ans les yeux sans cesse fixés sur l’Europe, qui a bien plus encore les yeux fixés sur la France, sur cette France dont il peut compter heure par heure les pulsations, et qui dans les conditions où il se trouve placé cherche avant tout ce qui est possible. A dire vrai, il y a deux choses dans le message : la première est tout simplement la constatation d’un fait, c’est que la république existe, qu’elle est le gouvernement légal du pays, et qu’au lieu de perdre son temps à la proclamer il vaudrait mieux l’employer à « lui imprimer les caractères désirables et nécessaires. » Que peut-on objecter à cela ? Est-ce que la république n’existe pas en effet ? On peut aller plus loin : est-ce que même sous la république la France n’a pas commencé à se relever de façon à mériter cette estime de l’Europe dont M. Thiers parlait avec une juste fierté ? Est-ce qu’il n’y a pas eu déjà plus d’un résultat sérieux, bien des ruines réparées, l’ordre maintenu, les factions vaincues, la possibilité d’entrevoir, de fixer l’heure où le sol national sera définitivement délivré de l’occupation étrangère ? Les protestations et les manifestations de mauvaise humeur qui se sont produites hier assez légèrement dans une partie de l’assemblée n’y peuvent rien. Que ceux dont toutes les pensées, toutes les préférences sont pour la monarchie voient avec quelque chagrin une situation où leurs vœux et leurs espérances semblent de plus en plus ajournés, on le comprend bien. Est-ce une raison cependant pour refuser au pays la sécurité et les garanties qu’on pourrait lui donner dans les conditions où il se trouve, parce qu’on ne peut pas lui donner le régime qu’on préfère ? On ne veut pas entendre parler de ce qui pourrait organiser et fixer la république ; mais peut-on restaurer la monarchie ? L’a-t-on pu depuis deux ans ? Est-on mieux en mesure aujourd’hui ?

Il ne s’agit plus de se livrer à des démonstrations théoriques sur la valeur comparative des gouvernemens ou à des effusions sentimen-