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ment jusqu’à ce que l’occasion d’une métamorphose nouvelle se présente. En attendant, il se repose à Varzin, laissant les imbroglios parlementaires se nouer et se dénouer à Berlin, retenant dans ses mains le fil des affaires allemandes qu’il gouverne à son gré.

Les imbroglios de la politique ne sont pas aussi faciles à débrouiller à Constantinople, d’autant plus qu’ici ils se compliquent de toute sorte de mouvemens secrets, de luttes intimes d’influences, d’antagonismes diplomatiques. Quelle est la part de ces divers élémens dans la dernière crise qui vient d’éclater dans l’empire turc ? Un coup de théâtre a renversé, il y a quelque temps, Mahmoud-Pacha, un nouveau coup de théâtre vient de renverser Midhat-Pacha. Il y a trois mois à peine, cette révolution ministérielle s’accomplit à Constantinople, elle a tous les caractères d’un événement décisif. Non-seulement le grand-vizir Mahmoud-Pacha est dépouillé de ses fonctions par un acte soudain du bon plaisir du sultan, mais il est encore menacé d’être mis en accusation, de devenir passible de revendications pécuniaires exercées contre lui pour ses malversations. En un mot, sa disgrâce semble complète, sa chute est saluée comme la défaite de la politique de réaction turque qu’il représente. Celui qui le remplace, Midhat-Pacha, arrive au pouvoir porté par une sorte de mouvement d’opinion. Son avènement est considéré comme une victoire des idées de progrès, comme un retour bienfaisant aux traditions réformatrices d’Aali-Pacha, de Fuad-Pacha. Tout est fête à Constantinople, la ville du Bosphore s’illumine, et on acclame le sultan. Qu’arrive-t-il ? Bientôt cette popularité s’obscurcit, les influences qui s’agitent autour du sultan minent le pouvoir du nouveau grand-vizir, et un jour Midhat-Pacha tombe en disgrâce à son tour aussi subitement que celui qui l’a précédé.

À quoi peut-on attribuer cette péripétie nouvelle ? Est-ce simplement l’effet de rivalités intérieures ou d’intrigues de palais ? Faut-il y voir le résultat ou le signe d’une pression diplomatique, d’une action combinée de la Russie et de la Prusse pour renverser un homme dont l’avènement avait été vu avec faveur par l’Autriche, par les puissances libérales d’Europe ? Toujours est-il que, si on a voulu revenir à Mahmoud-Pacha, on n’y est pas revenu du premier coup. Midhat-Pacha est tombé, il est vrai, il n’a pas été remplacé par celui dont il avait été lui-même le successeur. La place est occupée par un homme qui a été autrefois grand-vizir et qui ne représente aucune politique bien définie, Mehemet-Ruschdi-Pacha, qu’on représente volontiers comme un type de la nonchalance orientale ; mais ce n’est là évidemment qu’une transition sans durée. La politique turque, dans la voie d’oscillation où elle s’est engagée, reviendra un jour ou l’autre à Midhat-Pacha ou à Mahmoud-Pacha, et ce qu’il y aurait de mieux, ce serait que, secouant toutes les influences extérieures qui l’assiègent, elle revînt tout simplement à l’intérêt