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turc, c’est-à-dire à l’application indépendante des idées de civilisation, par lesquelles l’empire ottoman peut retrouver sa raison d’être et sa force.

Puisque la république est la condition présente de la France, il ne faut pas se lasser de s’instruire au spectacle des pays où la république vit depuis longtemps, où la puissance des mœurs fait que les actes les plus graves, les plus décisifs peuvent s’accomplir simplement et sans péril. On n’est point encore arrivé malheureusement en France à distinguer entre le déploiement naturel, régulier de la souveraineté nationale et une révolution. Aux États-Unis, l’élection d’un président est bien une crise sans doute ; mais c’est une crise d’un moment, qui n’ébranle rien, ni les intérêts, ni les institutions, ni la sécurité générale, et qui, après avoir remué pendant quelques mois beaucoup de passions et d’ambitions, finit en quelque sorte instantanément le jour où le suffrage populaire a prononcé. Ainsi les choses viennent de se passer une fois de plus en Amérique, dans cette lutte où il s’agissait de savoir qui l’emporterait du général Grant, président en fonction, ou de M. Horace Greeley. Le général Grant avait naturellement pour lui son nom, ses services militaires, la force d’une position acquise, tous les intérêts groupés autour d’une administration dont le chef a passé déjà quatre ans à la Maison-Blanche. M. Horace Greeley, qui n’avait pas pour lui les mêmes recommandations personnelles, qui n’était qu’un politicien, un journaliste de talent, mais un peu dénué de consistance et passablement excentrique, M. Horace Greeley pouvait espérer rallier toutes les oppositions, toutes les dissidences, tous les mécontentemens ; il était le candidat de tous ceux qui voulaient arriver.

Pendant plusieurs mois, cette campagne de l’élection présidentielle s’est déroulée assez confusément, très bruyamment, et de façon à faire par instans illusion sur les chances des deux candidats. On a tenu bien des meetings, prononcé bien des discours, rédigé bien des programmes. On épiait les élections partielles, locales, qui avaient lieu dans les divers états, pour démêler le courant de l’opinion. Plus d’une fois, la réélection du général Grant a paru compromise ; on aurait dit qu’elle n’était rien moins qu’assurée. M. Horace Greeley semblait gagner du terrain ; il se voyait déjà président des États-Unis, installé à la Maison-Blanche de Washington. Ce n’était qu’une apparence et l’effet momentané de la fumée du combat. Dans les dernières semaines de cette agitation électorale, la situation a commencé à s’éclaircir singulièrement. Les élections locales de l’Indiana, de l’Ohio, surtout de la Pensylvanie, un des états les plus considérables de l’Union, ces élections, toutes favorables aux partisans du général Grant, ne laissaient plus de doute sur le résultat définitif. M. Horace Greeley était perdu avec son armée bariolée et incohérente. Évidemment cette coa-