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L’en barbouiller d’abord pour l’embrasser après.
Déjà la fille court, mais il la suit de près,
La saisit par la robe, et la belle s’arrête ;
Dans ses bras repliés, elle a caché sa tête.
Il la prend par la taille ; elle veut de la main
Ouvrir les droits pressans du garçon, mais en vain.
Son beau corps prisonnier se tord, se glisse et ploie,
Et le jeune homme ardent, qui palpite de joie,
Attire près du sien le visage charmant,
Et, changeant en plaisir le juste châtiment,
Laissant à ses pieds choir la grappe redoutée,
N’inflige qu’à demi la peine méritée.
O vendange ! ô baisers ! sur son visage pur
S’il avait fait jaillir le jus du raisin mûr,
Vraiment la belle enfant ne serait pas plus rose !

La serpe va et vient. On chante, on rit, on cause…
On ne m’y prendra plus, — dit la belle en rêvant,
Mais n’importe, elle t’aime, ô jeune homme, et souvent,
Troublée au souvenir des baisers de ta bouche,
Elle oublie à dessein des grappes à la souche.


V. BÉNÉDICTION DU FEU. — LA NOËL.


Fête d’église ? non, mais fête de famille,
Voici Noël. Voici la bûche qui pétille ;
Le « carignié, » vieux tronc énorme d’olivier,
Conservé pour ce jour ; flambe au fond du foyer.
Si des rites romains on soigne l’observance,
On jeûne ce jour-là, mais, ô sobre Provence,
Peu t’importe, et souvent, libre, tu te souviens
Que nos pères, nos bons aïeux, étaient païens.

Aussi le « gros souper » sera bon, quoique maigre.
On ne mangera pas l’anchois rouge au vinaigre,
Mais on festinera ce soir avec gaîté,
De morue au vin cuit et de nougat lacté,
D’oranges, de raisins secs et de figues sèches.

Dans un coin, les enfans se construisent des crèches,
Théâtres où l’on met des pierres pour décor
Et de la mousse prise aux vieux murs, puis encor