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contributions de guerre, ne lui laissèrent aucun doute sur le sort qui tôt ou tard lui serait réservé. Se rappelant notre vieux proverbe français qui dit qu’il vaut mieux avoir affaire au bon Dieu qu’à ses saints, il s’adressa directement au prince royal de Prusse, et il fit bien, car le 25 septembre il reçut du quartier-général de Versailles un cartel de sauvegarde qui libérait l’asile de Vaucluse de tout logement, de toute réquisition militaires, et qui autorisait le directeur à circuler dans « toute la contrée » pour l’achat des vivres nécessaires aux aliénés. La bataille principale était gagnée, mais le directeur ne put éviter bien des escarmouches, dont il sut toujours se tirer à son honneur. Ne limitant pas son rôle à la conservation de son personnel administratif et malade, il reçut les dépôts qu’on lui apportait de toutes parts, et, malgré les sérieux périls auxquels il s’exposait, il abrita les fugitifs qui venaient lui demander secours ; il eut ainsi plus de trois cents femmes et enfans cachés dans l’infirmerie, la ferme et les bâtimens d’administration. Il fallait nourrir ce pauvre monde effaré et affamé ; ce fut là un surcroît de difficultés auxquelles on ne fit face que par des miracles de persévérance et de bon vouloir. La commune d’Épinay-sur-Orge, reconnaissant qu’elle ne devait son salut qu’au courage habile de M. le docteur Billod, a fait frapper en son honneur une médaille commémorative, juste hommage rendu à un dévoûment qui ne s’est pas démenti, et qui a pris mille formes ingénieuses pour sauver tant de malheureux.

Vaucluse est rentré aujourd’hui dans les conditions normales. Lorsque j’ai visité l’établissement, il contenait 507 malades traités par 2 médecins et surveillés par 39 gardiens et serviteurs. La disposition des bâtimens, la séparation des hommes et des femmes, la division des quartiers, l’organisation des services, sont analogues à ce que nous avons vu à Sainte-Anne et à ce que nous trouverons à Ville-Evrard. Une sorte de plan uniforme, sauf les modifications imposées par la configuration des terrains, a été adopté pour la construction de ces trois asiles : aussi accusent-ils tous trois les mêmes qualités et les mêmes défauts. Les qualités sont considérables, les défauts minimes ; deux seulement m’ont frappé. Certains édifices indispensables, qu’il est inutile de désigner, sont placés dans les préaux mêmes, loin des salles de réunion, loin des dortoirs ; il faut absolument passer en plein air, c’est-à-dire sous la pluie ou sous la neige, pour s’y rendre. Cette disposition offre des avantages qui ne me semblent pas compensés suffisamment par les inconvéniens de toute sorte qu’elle impose aux malades. L’autre défaut tient à ce que tous les quartiers sont identiques, ce qui est irréprochable au point de vue architectural, mais semble peu rationnel au point de vue pratique, car, s’il est insignifiant de réunir