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Malgré ce refus, accueilli. par des regrets unanimes, M. O’Connor fut nommé candidat par acclamation. L’appel des voix lui donna 600 suffrages contre quatre, donnés à M. Pendleton, de l’Ohio, l’ancien candidat des démocrates à la vice-présidence dans l’élection de 1854. John Quincy Adams, le fils du négociateur de Genève, fut nommé vice-président, et se hâta d’accepter.

Quant à la plate-forme, elle fut empruntée presque tout entière à la lettre de M. O’Connor, adoptée sans discussion par le comité des résolutions comme l’expression parfaite de la règle et de la doctrine du parti. Cette lettre contenait en effet toute la quintessence des pures idées démocratiques, poussées jusqu’à cet excès qui avait rendu la rébellion possible et la révolution nécessaire. Dans ce document, remarquable à plus d’un titre, le respect des states-rights allait jusqu’à l’anarchie, le goût de la décentralisation et de l’affaiblissement du pouvoir central jusqu’à refuser au gouvernement fédéral les organes les plus nécessaires à la vie nationale. Ainsi M. O’Connor et la convention de Louisville à son exemple ne voulaient pas reconnaître à l’Union, ni même aux états qui la composent, le pouvoir de contracter des emprunts. Suivant eux, les droits et les attributions de l’autorité fédérale devaient être bornés aux relations extérieures avec les autres puissances et aux relations intérieures des états entre eux. C’étaient là de pures théories, des idées spéculatives fort respectables dans les livres et bonnes à professer platoniquement pour les dévots de l’école de Jefferson, mais qui ne pouvaient convenir à un parti pratique, désireux d’exercer sur l’opinion publique une sérieuse influence. Du reste, la convention de Louisville semblait n’avoir pas d’autre désir que d’émettre une protestation morale et de mettre sa conscience en repos. Elle proclamait elle-même que « les principes devaient être préférés au pouvoir, et qu’elle acceptait volontiers une éternelle minorité sous la bannière de ses principes, plutôt qu’une majorité toute-puissante et inébranlable achetée au prix de l’abandon des principes. »

Cependant M. O’Connor, qui sans doute n’avait pas grande envie de s’exposer à un échec certain, persistait, malgré de nouvelles démarches, à refuser toute candidature. Après de longs débats, et dans l’impossibilité de trouver un autre candidat, on décida de nouveau qu’on le nommerait malgré lui. C’était ce que les démocrates de Baltimore, craignant l’influence du nom de M. O’Connor, voulaient à tout prix empêcher : eux-mêmes portèrent M. O’Connor sur leurs listes de candidatures pour le poste de gouverneur de l’état de New-York, espérant ainsi le détourner plus sûrement du coup de tête de Louisville. Une députation qui lui fut adressée le