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trouva inflexible dans son refus ; il y joignit, il est vrai, une lettre des plus vives contre Greeley et contre Grant, surtout contre le premier ; mais, en refusant son nom à la convention de Louisville, il la condamnait à un avortement misérable. Le président de la députation, M. Moreau, eut beau lui déclarer qu’on voterait néanmoins pour lui, une telle résolution ne pouvait plus être sérieuse, et la convention de Louisville ne pouvait que rentrer dans le néant. Elle n’avait eu d’autre résultat que de décider à l’abstention ou de ramener au général Grant un certain nombre de démocrates sérieux qui ne voulaient à aucun prix s’humilier pour réussir. Cette défection du camp démocratique avait mal tourné pour ses auteurs ; mais elle était au moins aussi nombreuse que celle des républicains libéraux, et elle devait compenser largement les pertes que le parti républicain avait faites dans ses propres rangs. S’il était vrai, comme le disait M. Greeley, que la campagne des straight-outs n’eût été qu’une manœuvre en faveur du général Grant, elle avait alors pleinement réussi.

D’ailleurs les républicains travaillaient avec ardeur à grouper autour d’eux tous les anciens défenseurs de l’Union, sans acception d’opinions théoriques, et ils ne négligeaient aucune des influences qui pouvaient agir en leur faveur. C’est ainsi qu’ils convoquèrent vers le milieu de septembre une convention de soldats et de marins à Pittsburg, Ces assemblées de soldats et de marins, qui sont depuis la guerre une des plus curieuses institutions politiques des États-Unis, fournissent et fourniront longtemps encore une force considérable aux républicains modérés. Elles ne sont point seulement les auxiliaires personnels de l’ancien commandant en chef des armées fédérales, dont le nom a gardé un grand prestige sur ses anciens compagnons d’armes ; elles sont surtout le point de ralliement naturel de tous les amis dévoués de l’Union fédérale, accourus à sa défense de tous les coins de l’horizon politique et le foyer le plus pur de ce patriotisme élevé, dégagé de tout esprit de parti, auquel les états du nord ont dû leur victoire. 13,500 officiers et soldats de l’ancienne armée fédérale se rassemblèrent pour acclamer la candidature du général Grant. Le général Hawley, président temporaire de la convention, lui présenta un registre contenant les noms de 50,000 soldats résolus à soutenir le général Grant. On décida d’enthousiasme de nommer tout le ticket républicain dans tous les états, sans y rien retrancher ni modifier, down to the lowest man.

À cette nouvelle, M. Greeley entra dans une grande colère. Il protesta bruyamment contre le titre même que la convention ne rougissait pas de prendre pour intéresser le patriotisme au succès