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établissemens que des places libres, a fait, en vertu de l’article 1er de la loi du 30 juin 1838, un traité avec trente-quatre asiles de province, qui soignent pour son compte 3,772 malades ; de plus vingt-cinq autres asiles en ont reçu 80 à des conditions débattues ; c’est donc une masse de 3,852 aliénés que Paris est obligé d’évacuer sur les départemens faute d’établissemens pour les recevoir et les garder. En présence de ces faits, il y a lieu de regretter que M. Haussmann n’ait pu mettre son projet à exécution, et il faut espérer que ce projet sera repris plus tard, car il est indispensable que Paris offre tous les moyens curatifs possibles à une maladie qui semble devenir plus fréquente depuis qu’elle est mieux étudiée. Si ce vœu était exaucé, il faudrait consacrer un des dix asiles aux convalescens, car bien souvent on prend une rémittence pour la guérison ; les lits sont demandés, les aliénés frappent à la porte, on se hâte de leur faire place, et l’on renvoie des malades qu’on aurait dû garder encore : les rendre à leur milieu avant que leur système nerveux n’ait retrouvé son équilibre, à ce milieu perturbant qui a été une des causes de leur mal, c’est les exposer à l’une de ces nombreuses rechutes que constatent les statistiques hospitalières.


II

Bicêtre contient un quartier spécial, rejeté à l’extrémité de la maison et formé d’une rotonde qui se compose de 24 cellules, séparées de la salle centrale, où se tiennent les gardiens, par des grilles de fer semblables à celles qui défendent les loges des animaux féroces au Jardin des Plantes ; c’est la sûreté. L’homme enclos dans cette geôle est comme une bête ; on lui passe sa nourriture à travers les barreaux, et on le lâche parfois dans un petit préau attenant à sa prison, préau désolé, sans verdure, brûlé par le soleil, mais entouré de basses murailles qu’on dirait faites exprès pour faciliter les évasions. C’est dans ces cages, bonnes tout au plus à garder des loups, qu’on enferme les condamnés qui ont donné des preuves d’aliénation mentale, et qu’on aurait peut-être bien fait d’examiner scientifiquement avant de les traduire devant le jury. Ces malheureux ne peuvent rester dans les prisons parce qu’ils sont fous, ils ne peuvent être admis dans un asile parce qu’ils sont condamnés ; on a trouvé un moyen terme, et on les jette dans ces cachots annexés à Bicêtre. Dix hommes les surveillent ; ce n’est pas trop. Autrefois on les employait à fabriquer ces couronnes de papier peint qu’on donne dans les pensionnats aux distributions de prix ; aujourd’hui ils font du filet. Le professeur qui leur explique les