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l’appauvrir beaucoup. Néanmoins cet épisode de son histoire est trop triste en soi pour que, tout en reconnaissant le droit en vertu duquel les reprises étaient exercées, on ne se rappelle pas sans amertume un fait dont le souvenir se lie de si près à celui des revers et des malheurs de la France.


II

La période comprise entre les commencemens du règne de Louis XVIII et la fin du gouvernement de juillet ne fut signalée pour le département des estampes par aucun grand événement comparable aux bonnes fortunes passées, par aucune de ces éclatantes conquêtes dont la munificence royale et les libéralités privées avaient depuis plus d’un siècle entretenu la tradition. Tout se borne pendant ces trente-trois années à des acquisitions ou à des donations partielles, tout se résume dans les accroissemens que procure à la collection nationale, suivant les occasions, la vente publique ou la cession gratuite de certaines pièces diversement précieuses. C’est ainsi que, de 1817 à 1838, la mise aux enchères des gravures composant les collections du comte Rigal, de Denon, de M. Révil, permet au conservateur du département des estampes de travailler à compléter les œuvres des maîtres italiens, allemands ou hollandais. Six ans plus tard, en 1844, la vente d’une des plus belles collections particulières formées à Paris depuis le XVIIIe siècle, la vente du cabinet Debois[1], achève d’offrir des ressources dont on s’empresse de profiter ; l’année suivante, l’acquisition de plus de 19,000 pièces sur la révolution, recueillies par M. Laterrade, vient ajouter à l’Histoire de France, telle qu’elle existait depuis Fontette, un supplément qu’augmenteront encore, à quelque temps de là, d’autres pièces sur la même époque réunies et cédées par les mêmes mains.

Tandis qu’à défaut de ces coups de fortune instantanés, si fréquens autrefois, le département des estampes trouvait au moins dans ce qui lui venait du dehors les moyens d’accroître graduellement ses richesses générales, les travaux qui se poursuivaient à l’intérieur utilisaient pour l’étude et mettaient en quelque sorte en culture régulière un champ particulier, demeuré jusqu’alors à peu près infécond. A côté des recueils topographiques donnés jadis par Lallemant de Betz, une autre série beaucoup plus abondante dont

  1. Le possesseur de ce riche cabinet, où les chefs-d’œuvre de la gravure à toutes les époques et dans tous les pays se trouvaient représentés par des épreuves choisies avec une remarquable clairvoyance, était un simple tailleur dont le magasin occupait rue Vivienne l’emplacement même de la maison dans laquelle Colbert avait à l’origine installé le cabinet des estampes du roi.