Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/693

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans la capitale ? De cet usage et de ces mœurs, il résulte que tous les Grecs riches des diocèses sont connus personnellement du saint-synode et se connaissent entre eux, que l’union de toutes les parties de la communauté est plus étroite qu’on ne se le figure d’ordinaire en Occident, qu’aucune église ne s’isole, que les traditions et les idées sont les mêmes partout.

Cette forte constitution ecclésiastique rend l’hellénisme présent partout et à chaque heure dans l’empire ottoman ; elle n’eût pas suffi à maintenir l’activité de la race ; deux autres institutions lui ont conservé dans les communautés composées seulement de Grecs une vitalité toujours jeune : ce sont les administrations locales et les écoles. Le moindre village grec a des commissions élues, des épitropies, chargées de régler les questions d’un intérêt général. Elles doivent tout au moins, dans le hameau le plus pauvre, surveiller les églises, gérer les biens légués à la communauté, imposer les taxes que paie chaque famille. L’élection est annuelle ; les membres choisis se réunissent plusieurs fois par mois. Dans les villes, ils sont très nombreux et se partagent les affaires ; ainsi à Janina, à côté du conseil des écoles, on trouve ceux de la métropole, de l’hospice, des orphelins. Si les Grecs ne s’occupaient pas de leurs intérêts les plus immédiats, aucun pouvoir n’y songerait pour eux ; la Porte ne s’adresse aux raïas que pour leur demander des taxes ; ces impôts une fois perçus, pourvu que la paix soit assurée, son rôle est fini. Cette participation aux affaires publiques a toujours passionné les Grecs ; ils ne comprendraient pas qu’il leur fallût y renoncer. Personne ne s’en désintéresse ; l’égalité est complète entre tous les membres de la communauté parce que les différences de culture intellectuelle sont nulles, que les habitudes sociales restent les mêmes, quelles que soient les conditions de fortune, que tous s’expriment avec une grande facilité et portent dans les affaires la même intelligence. Bien que le haut clergé soit le patron naturel de ces conseils, qu’il décide souvent du choix des membres et qu’il les réunisse d’ordinaire à l’évêché, l’indépendance des laïques est complète. Le bas clergé grec, qui est marié, se mêle à la vie de tous ; il ne forme pas une caste, il ne se distingue des fidèles que par le privilège qui lui est réservé de procéder aux cérémonies du culte. Il n’a pas une instruction qui puisse lui assurer une autorité supérieure. Il ne trouve aucune opposition chez un peuple qui partage toutes ses croyances. Les évêques n’ont point d’apostolat à entreprendre, nul ne mettant en doute les doctrines religieuses. Depuis trois siècles, aucune querelle intéressant la morale ou la foi ne s’est élevée parmi les orthodoxes. Cette église a renoncé à la prédication ; il lui est même inutile d’appeler les fidèles à la pratique de devoirs religieux dont nul ne s’affranchirait sans