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pas contentée d’examiner le message pour savoir s’il y avait à répondre à M. le président de la république, elle a fait elle-même cette réponse, et elle a répondu doublement. Aux réformes constitutionnelles indiquées plutôt que précisées par M. Thiers, elle a opposé une résolution sommaire, la proposition de nommer dès ce moment une commission parlementaire pour préparer uniquement et exclusivement une loi sur la responsabilité ministérielle ; en d’autres termes, elle a voulu assurer à la droite, qu’elle considère comme la majorité, une arme contre le gouvernement dont elle suspecte les tendances. À l’exposé politique du message la commission a répondu par le programme de la droite, par un rapport où l’auteur, M. Batbie, s’est visiblement beaucoup appliqué, sans réussir à parler une langue réellement politique. M. Batbie a tracé son programme assez confusément, d’une façon un peu déclamatoire, avec des ménagemens plus apparens que réels pour M. le président de la république et avec une passion contre le radicalisme qui produirait peut-être plus d’effet, si elle était moins emphatique, et si elle frappait plus juste. En définitive, tout le rapport est dans un mot caractéristique : il faut créer « un gouvernement de combat. »

Au fond c’était évidemment une guerre déclarée. Après l’interpellation du général Changarnier, qui pouvait passer pour un combat d’avant-garde, on offrait la bataille décisive, et le gouvernement, mis en cause d’une façon si directe, ne voulait ni ne pouvait la décliner. Il l’a acceptée ; seulement à l’ultimatum de la commission il a opposé, par l’organe de M. Dufaure, une proposition plus logique, plus naturelle, qui aurait dû rallier sur-le-champ toutes les opinions, s’il n’y avait eu un parti-pris. Il a demandé simplement qu’on ne scindât pas les questions, qu’on nommât une commission parlementaire de trente membres qui serait chargée d’étudier un projet de loi « pour régler les attributions des pouvoirs publics et les conditions de la responsabilité ministérielle. » C’est donc entre la proposition du gouvernement et l’ultimatum de la commission que la lutte restait engagée il y a deux jours encore. Au dernier moment, une tentative de conciliation a été faite. Des explications ont été échangées une fois de plus dans l’interruption d’une de ces dramatiques séances où s’agitaient les destinées du pays. Que s’est-il passé ? quelle raison sérieuse a pu avoir la commission pour se refuser à toute concession, pour repousser la motion que M. Dufaure venait de soumettre à l’assemblée ? Lorsque la paix publique était en jeu, fallait-il tout risquer pour des subtilités, pour des questions de mots ? Toujours est-il que la commission s’est refusée jusqu’au bout à un accord auquel M. le président de la république se serait prêté, et qui répondait assurément à un vœu universel. La commission a persisté dans son projet, le gouvernement a maintenu sa proposition, et le combat, retardé de vingt-quatre heures, a été livré hier définitivement. Le succès est resté au gouvernement.