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l’est le 26, et n’est guère réunie un peu au complet avant le 29. Le 18e corps, sous le général Billot, est à Chagny ; le 20e corps de Clinchant est à Châlon-sur-Saône avec la réserve Pallu de la Barrière ; à Beaune se trouve Cremer, qui ne demanderait pas mieux que de rester indépendant, mais dont la division va former l’aile gauche de l’armée dans sa marche vers Belfort. Le 24e corps a été envoyé directement de Lyon sur Besançon ; le 15e corps, laissé momentanément à Bourges, ne rejoindra que quelques jours plus tard. Le général Bourbaki arrive avec son armée, prêt à donner le signal des opérations. Les Allemands, prompts à s’éclairer, n’avaient pas tardé à se préoccuper de tout ce qu’ils entrevoyaient, et leur première pensée avait été, dès le 28, de ne pas rester en l’air à Dijon, de se replier sur Gray, sur la ligne de la Saône, pour garder leurs communications avec les Vosges, pour se tenir en mesure de faire face aux événemens. Chose curieuse ; c’était aussitôt à qui se disputerait le mérite d’avoir forcé les Allemands à se retirer. Garibaldi, qui occupait quelques points entre Autun et Dijon, ne pouvait pas croire qu’un tel résultat ne fût pas dû à sa savante stratégie ; Cremer ne restait pas moins persuadé que l’honneur lui en revenait. Ni l’un ni l’autre n’y étaient pour rien. Cremer n’entrait à Dijon que le 31 décembre, trois jours après le départ des Prussiens, Garibaldi ne devait y arriver que le 7 janvier 1871. La présence seule de l’armée de l’est à Chagny et à Châlon avait suffi évidemment à provoquer cette retraite, qui n’était après tout qu’un mouvement de concentration de l’ennemi. C’était la première conséquence de la campagne qui s’ouvrait, qui ne s’engageait sérieusement que le 31 décembre et le 1er janvier par la marche du 20e corps sur Dôle et du 18e corps sur Auxonne. La marche de Cremer sur Dijon rentrait aussi dans cet ordre d’opérations.

Déjà cependant on commençait à s’impatienter à Bordeaux, on trouvait que tout marchait avec une lenteur désespérante. Que se passait-il donc ? On ne comprenait rien à cette « quasi-immobilité. » Bourbaki était à peine arrivé sur le terrain, la campagne s’ouvrait à peine, que les chefs du cabinet militaire de Bordeaux, oubliant qu’ils n’étaient point étrangers à ces lenteurs dont ils faisaient un crime aux autres, et retrouvant toute la verve de leur génie stratégique, se remettaient à jouer ce jeu de grands directeurs de la guerre qui avait si bien réussi sur la Loire ! Ils ne cessaient d’assaillir le général en chef d’objurgations, d’instructions méticuleuses, d’ordres, de contre-ordres où perçaient la prétention ignorante et une défiance presque injurieuse. Ils avaient de l’organisation militaire et de la discipline une telle idée qu’ils se faisaient adresser des rapports directs par des commandans de corps d’armée, notamment par le général Billot, qui rendait compte au ministre de