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race de ses sujets, la physionomie dénonce un mélange de sang européen, juif ou arabe. Pour vêtement, il porte un simple morceau de toile autour des reins, et il se drape fièrement dans un lamba qu’on juge avoir été blanc ; une petite calotte de jonc est posée sur la tête. Bientôt on fait cercle près de la hutte royale ; l’assemblée ou le kabar, suivant l’appellation malgache, va délibérer. Le capitaine de la marine marchande doit débattre les conditions du droit d’ancrage et de libre commerce que tout navire est obligé de payer dans les ports du sud et du sud-ouest de Madagascar. Le roi de la peuplade antandrouï n’était pas grisé par la fortune ; il se trouve traité d’une manière généreuse par le don d’un baril de poudre, d’un fusil à pierre, d’une marmite, de deux miroirs, de deux cents clous dorés, d’une pièce de toile bleue et de quatre bouteilles de rhum abondamment mélangé d’eau, — ceci dans l’intention bienveillante, assurent les traitans, d’épargner au prince quelque trouble d’esprit. Six chefs dépendans du roi, qui se posaient en protecteurs des étrangers, durent encore être gratifiés de petits présens.

Devenu l’ami des Français, Tsifanihi voulut le lendemain se rendre, escorté des principaux chefs, à bord du navire ; c’était chose nouvelle pour ces Malgaches, mais ils ne témoignèrent pas la moindre surprise ; en aucun lieu du monde, les barbares ne sont accessibles à l’étonnement et à l’admiration. Tout en buvant de petits verres de rhum, le seigneur antandrouï cherchait à persuader qu’il était venu à la côte en apprenant l’arrivée du navire par amitié pour les blancs, afin de les couvrir de sa protection. C’était une façon d’appeler la reconnaissance à son égard et de dissimuler sa rapacité ; il tenait à se trouver sur le lieu même du trafic pour prélever un impôt sur chaque vendeur d’orseille, avoir de celui-ci un clou, de celui-là une balle ou une pincée de poudre. Le domaine de ce roi était situé à plusieurs heures de marche dans l’intérieur. Pour M. Grandidier, accompagner le prince serait une excellente occasion de commencer des études de géographie et des recherches d’histoire naturelle ; la promesse d’un baril de poudre fit agréer la proposition d’une manière toute gracieuse. Tsifanihi était un souverain légitime jouissant de peu d’autorité, ne devant sa sûreté personnelle qu’à son mariage avec la fille du chef d’un peuple redouté ; aujourd’hui comme au temps de Flacourt, les Antandrouïs des diverses tribus sont en guerre perpétuelle les uns avec les autres, et les vainqueurs ne sont pas plus généreux.

Aussitôt descendu à terre, notre compatriote parcourt le pays ; seuls, quelques reptiles se chauffant au soleil et des plantes d’un aspect bizarre attirent son attention. Le jour suivant, on se met en marche pour la résidence royale. Le voyageur français n’emporte