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Revenu à la baie de Saint-Augustin, l’explorateur tenait à visiter, à 2 lieues environ de la côte mahafale, le lac salé de Mananpetsoutse, dont on l’avait beaucoup entretenu. C’eût été folie de s’aventurer dans ce pays de voleurs avec des instrumens ou des objets capables d’exciter les défiances et surtout les convoitises des indigènes, il fallut se borner à une simple reconnaissance. Le lac, qui est fort étroit, a sa pointe nord à peu près sous le 24e degré de latitude, et il s’étend dans la direction du sud sur une longueur d’environ 35 à 38 kilomètres ; au contraire du lac Héoutri, très peuplé d’animaux marins, il paraît ne contenir aucun être vivant. Ayant entrepris de faire l’hydrographie de la rivière de Fihérénane, qui se jette dans la mer à Tulléar, M. Grandidier se trouvait à peine à 15 milles de la côte lorsque, malgré les ordres formels du roi Lahimerisa, les chefs sakalaves l’empêchèrent de continuer ses travaux. Chaque jour, les persécutions devenant plus menaçantes dans ce pays, le voyageur partit pour le Ménabé, prenant des latitudes tout le long de la côte, afin d’assurer ou de rectifier sur la carte la position géographique des points les plus importans.

La saison pluvieuse commençait. À cette époque de l’année, les voyages deviennent impossibles ; les débordemens des rivières rendent les chemins impraticables, les moustiques s’abattent sur les hommes et les mettent au supplice. L’explorateur dut hiverner à Amboundrou, à l’embouchure du Mourondava ; le printemps revenu, il se mit à étudier le cours du Tidsibon et du Mananboule, qu’on dit être les branches d’un même fleuve. Le Tidsibon est navigable pour des pirogues jusqu’à une trentaine de lieues de la mer, et peut-être aura-t-il un jour quelque importance pour les relations commerciales ; une exacte reconnaissance de cette rivière offrait donc beaucoup d’intérêt. M. Grandidier n’a pu l’exécuter au-delà d’une vingtaine de milles ; les cadeaux distribués au roi et aux principaux chefs de la contrée ne suffirent pas pour aplanir les obstacles, il fallut renoncer à voir le lac d’Andranoumène, situé sur la rive droite du Tidsibon, à 40 milles de la côte. L’explorateur continua sa route vers le nord ; les difficultés augmentèrent, le géographe se voyait d’avance signalé comme un sorcier des plus dangereux. L’accès de trois petits états sakalaves compris entre le 16e et le 18e degré de latitude lui demeura absolument interdit ; des négriers arabes, animés d’une haine féroce contre les Européens, et les Sakalaves obéissant à leurs suggestions, n’épargnèrent à notre compatriote aucun genre de vexations. Néanmoins, après déjà tant de déceptions, M. Grandidier ne désespérait toujours pas du succès de son entreprise ; renonçant à se heurter indéfiniment aux obstacles que lui opposent les Sakalaves, il s’embarque pour Nossi-Bé, et de là il se rend à