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lenteur, mais aussi avec continuité : la côte orientale est minée d’une manière incessante ; le grand courant équatorial heurte violemment contre les rivages, désagrège les roches, entraîne les débris et jette le sable qui obstrue l’embouchure des rivières. En peu d’endroits, comme à Foulepointe et à Tamatave, où le courant se fait moins sentir, de petits récifs de coraux ayant pu se former arrêtent le travail d’érosion. Le caractère de la flore et de la faune nous disait que Madagascar, couvrant autrefois une vaste étendue de l’Océan indien, avait été un véritable continent ; l’observation du phénomène qui se produit sur la côte orientale en apporte une preuve directe. Si la Grande-Terre diminue à l’est, elle tend à s’élargir à l’ouest sans qu’il y ait compensation. Les eaux, assez tranquilles, permettent aux polypiers de s’établir près des rivages ; le sable de la mer, la terre et tous les débris arrachés aux montagnes que charrient les rivières se déposent sur les bancs de coraux, et de la sorte les estuaires se trouvent fermés ou comblés. La présence des lacs salés au voisinage de la côte occidentale, l’existence des animaux marins dans le lac Héoutri, sont donc parfaitement expliquées. Dans un avenir plus ou moins éloigné, des îlots seront unis à la grande île : une foule de criques, la baie de Tulléar, sans doute même en partie la baie de Saint-Augustin, seront fermées ; près du littoral s’étendra une suite de lacs salés.

M. Grandidier a donné une attention particulière au tracé des cours d’eau : torrens, ruisseaux et rivières qui tombent dans l’Océan indien sont en quantité ; les torrens qui se jettent directement dans la mer se comptent par centaines. Les rivières de la région orientale, il est vrai, n’ont pas en général un long trajet ; seul, le Mangourou, dont la source est au pied du haut massif d’Ankaratra, fait exception. À l’ouest, les torrens serpentant et s’entre-croisant au fond des ravins de la masse des montagnes centrales forment un petit nombre de fleuves d’une largeur considérable ; dans la partie méridionale, on le sait, les rivières sont rares : sur des espaces de 15, 30, 60 lieues, il n’existe pas le plus petit ruisseau. Si l’explorateur, en parcourant plus de 3,000 kilomètres dans l’intérieur de l’île et au moins 2,000 sur les côtes, a étudié les reliefs du sol et s’est assuré de la direction des cours d’eau, avec le même soin il s’est attaché à déterminer la longitude et la latitude d’une infinité de points importans et à mesurer la hauteur des montagnes les plus remarquables. Maintenant l’auteur s’occupe des calculs et de la discussion de ses observations astronomiques et géodésiques. C’est ainsi, avec des élémens d’une valeur très certaine, que sera dressée la nouvelle carte de Madagascar : l’œuvre marquera un immense progrès dans la connaissance géographique de l’une des plus