Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/984

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même comme une récompense ? De telles questions n’intéressent pas seulement la Suède. Partout où elles se posent, on rencontre un aspect utile à envisager du grand problème qui agite l’Europe et surtout la France, et qui n’est autre que l’organisation de la démocratie. Ce qui est surtout remarquable en Suède, c’est l’absence de précipitation, l’esprit de mesure, à la fois prudent et hardi, qui aura présidé à la transformation du mode de représentation nationale. Il en aura été de cette réforme comme de ces fruits qui se laissent cueillir à un certain degré de maturité avant l’hiver, mais pour achever, une fois cueillis à propos, de mûrir encore. Rien de radical dans un changement si complet ; la noblesse suédoise par exemple n’avait pas fait encore son 4 août ; elle continua d’exister, ainsi que le clergé, comme corps à part, sinon comme un ordre politique. En même temps que le changement de représentation était décrété, deux institutions nouvelles prenaient naissance, le synode et l’assemblée particulière des nobles. Le synode se réunit tous les cinq ans ; il a le droit de faire des propositions sur les affaires qui regardent la constitution intérieure de l’église, et même d’opposer son veto aux résolutions prises par le gouvernement et la diète à ce sujet. Le premier de ces synodes s’est assemblé pendant l’été de 1868. De même la première des nouvelles assemblées de la noblesse a eu lieu en février 69 et la seconde en février 72, et il a fallu l’assentiment des nobles pour rendre valable la décision de la diète abolissant le forum privilegiatum, c’est-à-dire le dernier privilége qu’ils eussent conservé, celui de ne pouvoir être cités en certains cas que devant les cours supérieures ou tribunaux de seconde instance.

Le pouvoir législatif et le droit de représentation nationale appartiennent d’ailleurs, en vertu de la loi du 22 juin 1866, qui a mis en pratique la réforme décidée au mois de décembre précédent, à une diète composée de deux chambres ayant dans toutes les questions même compétence et même autorité. Pour les sessions ordinaires, la diète se réunit sans convocation spéciale le 15 janvier de chaque année, et ne peut être dissoute, sinon sur sa demande, que quatre mois après sa réunion, à moins que le roi n’ordonne, pendant la session, des élections nouvelles. Le roi peut aussi convoquer des diètes extraordinaires, qui ne doivent s’occuper que de certaines questions désignées à l’avance. Ces dernières dispositions n’empêchent pas, comme on voit, que la diète n’ait son existence par elle-même et son indépendance à l’égard de la royauté ; mais que faut-il penser de l’apparente identité des deux chambres ayant « même compétence et même autorité ? » Il serait évidemment absurde que rien, dans la constitution, ne vînt les distinguer, et tout ce qui les distinguera rendra aussitôt inégale