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la ville destinée à devenir Cologne, a été d’abord un sanctuaire du dieu de la guerre Tyr ou Zio, puis du dieu Mars suivant l’interprétation romaine. C’était là que les Germains conservaient l’épée enlevée par eux à César ; ce fut là que Vitellius, à son tour, envoya, pour le consacrer à Mars, dit Suétone, le poignard avec lequel Othon s’était tué.

Au dieu Tyr, représenté comme divinité de la guerre avec une épée pour symbole, correspond sans doute le Sahsnôt ou Saxnôt qu’on voit mentionné dans les formules germaniques, et dont le nom veut dire : qui gouverne par l’épée. Une dernière preuve à l’appui de l’antique primauté du dieu Zio, c’est le Tuisco mentionné par Tacite comme père des Germains. Ce nom paraît reproduire celui du dieu de la guerre, autrefois dieu suprême, avec une terminaison marquant la descendance : tivisco, fils de tiv. De là le nom national des Allemands die Deutschen, ou, comme l’écrivent leurs patriotes, en croyant se rapprocher de l’ancienne étymologie, die Teutschen, le peuple teuton ou tudesque.

À côté de Mercure et Mars, Tacite distingue un troisième grand dieu des Germains, qu’il identifie avec Hercule. Malgré quelque incertitude des manuscrits, c’est bien là son texte au commencement du neuvième chapitre de la Germanie. À quelle divinité barbare peut correspondre cette assimilation grecque ou romaine ? Les récits des Eddas nous offrent ici au premier coup d’œil des analogies qui semblent d’abord tout extérieures sans doute, mais que la science moderne sait définitivement justifier. Thor, dans la mythologie Scandinave, est le dieu redoutable par ses luttes incessantes contre les mauvais géans. Il a une taille, une force physique, un appétit extraordinaires. Dans une de ses expéditions, il tue, sauf à les ressusciter le lendemain, les deux boucs attelés à son char ; il les fait cuire et les mange. Il revêt pour la lutte une ceinture magique qui centuple ses forces ; il a d’énormes gantelets de fer, avec lesquels il tient son merveilleux marteau Miöllnir, arme terrible à laquelle rien ne résiste, et qui, après avoir frappé, revient d’elle-même dans la main d’où elle est partie. N’est-ce pas assez de ces premiers traits pour faire songer à Hercule ? Hercule, ayant tué Busiris, aborde dans un port de l’île de Rhodes ; rencontrant un bouvier qui conduisait son char attelé de deux taureaux, il en dételle un, le sacrifie et le mange. Comme buveur, sa renommée n’est pas moindre, et de tous les défis il sort victorieux. On sait ses combats contre Antée, les Cercopes et tant d’autres ennemis. Le serpent de Midgord, que le dieu Thor abat, répond à l’hydre de Lerne, et le marteau Miöllnir à la massue d’Hercule. Le grand nombre de statuettes antiques représentant le dieu grec. armé de cette massue qu’on a retrouvées dans l’intérieur de l’Allemagne, jusque dans la région de la