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rappelées en Europe, à moins qu’il n’en prît l’entretien à sa charge. Là-dessus survint un compromis : il fut convenu qu’un régiment resterait dans la Nouvelle-Zélande aux frais de l’Angleterre tant que la colonie voterait 50,000 livres sterling par an pour l’amélioration des indigènes ; mais cet arrangement fit naître une nouvelle difficulté. Ce régiment devait-il être sous les ordres du gouverneur-général ou du ministre de la guerre néo-zélandais ? Les colons déclarèrent que, si les troupes anglaises n’obéissaient pas au même chef que les miliciens, il valait mieux les rappeler en Europe. Le gouvernement impérial les prit au mot, il évacua la Nouvelle-Zélande jusqu’au dernier soldat. C’était cependant dans une période critique de la guerre. Il ne paraît pas que les colons aient eu lieu de le regretter. C’est qu’aussi ils sont devenus bien plus nombreux que les indigènes : ceux-ci ne sont plus guère que 40,000, tandis qu’il y a 80,000 Européens dans l’île du nord seulement et deux fois autant dans l’île du sud ; encore tous les Maoris ne sont-ils pas hostiles. L’abandon de la Nouvelle-Zélande par l’armée britannique en présence d’insurgés qui, pour être en petit nombre, n’en étaient pas moins très dangereux, a été sans contredit l’un des actes les plus audacieux de la nouvelle politique coloniale de l’Angleterre. Il était impossible de dire plus carrément aux habitans de toutes les possessions britanniques qu’ils ne doivent compter que sur eux-mêmes. Il est bien vrai que la Nouvelle-Zélande sera plus tranquille maintenant, les colons ayant la certitude que toute guerre contre les natifs se ferait à leurs risques et périls ; mais ne peut-on pas craindre qu’en présence d’un danger sérieux ils ne réclament d’une autre nation européenne l’appui que leur refuse la mère-patrie ? Et puis n’y a-t-il pas quelque cruauté à laisser des immigrans maîtres absolus du sort des Maoris dont ils convoitent les terres ? Les hommes d’état britanniques ne s’abandonnent pas à une politique sentimentale. Sir Charles Adderley termine son chapitre sur les affaires de la Nouvelle-Zélande par la maxime des Romains : coloniœ non tam regendœ sunt quam colendœ, ce que M. Gladstone avait paraphrasé quelques années auparavant dans un de ses discours à propos de la constitution politique de cette même province : « Nous ne sommes pas encore arrivés dans notre législation à des rapports normaux entre les colonies et la métropole… Quand nos ancêtres voulaient fonder une colonie, il y a deux cents ans, ils ne se présentaient pas devant le parlement avec un devis, et ne demandaient pas tant pour un gouverneur, tant pour un juge, tant pour un secrétaire, tant pour les employés inférieurs. Ils se réunissaient un certain nombre d’hommes libres avec l’intention de créer dans l’autre hémisphère un état libre. Ils ne comptaient pas sur l’appui artificiel de la mère-patrie, et en conséquence ils avançaient avec une rapidité