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presque aussi incapables que les noirs d’entrer dans les voies de la civilisation. Ces dépendances resteront donc longtemps encore sans grande valeur politique. Peut-être le gouvernement anglais s’en débarrasserait-il, sauf quelques-unes où se trouvent des ports de relâche importans, Saint-Vincent, la Trinité, la Nouvelle-Providence dans l’archipel des Bahamas, s’il ne voyait les États-Unis avides de s’en emparer. En attendant, on diminue autant que possible les garnisons. Les petits détachemens disséminés dans les Indes occidentales sont décimés par le climat ; en cas de guerre, ils seraient incapables d’une longue résistance. On s’efforce donc d’organiser en chaque île une gendarmerie locale suffisante pour le maintien de l’ordre et de ne laisser à la charge du budget métropolitain que l’entretien de l’escadre qui veille sur nier à la sécurité du pavillon anglais.

Des côtes de l’Amérique centrale, passons à l’Océan indien. La plus importante des dépendances que le ministère des colonies possède de ce côté est Ceylan, avec 2 millions d’habitans natifs en face de 3,000 à 4,000 Européens. Ceylan est moins une colonie qu’un royaume indigène, à l’instar de ceux qui prospèrent dans l’Hindoustan sous la protection britannique. Aussi ne peut-il y être question d’institutions parlementaires, car quel moyen d’accorder la franchise électorale à des Cingalais, étrangers à toute notion de la vie européenne ? Le gouverneur-général y cumule tous les pouvoirs ; il a bien près de lui une assemblée législative, mais, sur quinze membres qui la composent, cinq sont les principaux fonctionnaires de l’île et les dix autres sont nommés par la couronne. Ajoutons qu’il n’existe de conseils municipaux que dans les principales villes, à Colombo, à Kandy et à Galles. Quand les résidens anglais voulurent obtenir un régime plus libéral, on leur répondit qu’ils ne constitueraient, vu leur petit nombre, qu’une oligarchie très restreinte, qui ne représenterait nullement la majeure partie de la population. Cependant le budget annuel de Ceylan est d’à peu près 1 million de livres sterling, dont 400,000 livres sont réparties par le gouverneur, sans contrôle d’aucune sorte, entre les services militaires et civils. Il faut convenir que l’île est devenue prospère sous ce régime absolu ; l’agriculture, le commerce, l’état social des indigènes, s’y sont améliorés d’année en année. On y a construit des ponts, tracé des routes et des chemins de fer, creusé des canaux d’irrigation qui favorisent la culture du riz. Les écoles se multipliant ; le pays est tranquille. La Grande-Bretagne entretenait jadis dans l’île un état militaire important dont la métropole faisait presque tous les frais. La garnison actuelle est payée par le budget colonial à raison de 2,850 francs par artilleur, 2,500 francs par fantassin européen et 1,600 francs par soldat indigène. Ceylan couvre