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européens[1]. En 1867, Singapour, Penang et Malacca passèrent dans les attributions du ministère des colonies. La garnison n’est payée qu’en partie par le budget local, parce qu’elle a surtout pour mission de tenir en respect les pirates malais et que le devoir de protéger les établissemens coloniaux contre les attaques du dehors appartient au gouvernement impérial. En somme, sir Charles Adderley trouve que ces trois stations coûtent fort cher pour ce qu’elles rapportent, et que, si Singapour est utile au commerce anglais, Penang et Malacca sont d’une utilité très contestable. Du moins l’état-major de gouvernement qu’exigent ces dépendances pourrait être réduit à un chiffre plus en rapport avec leur importance réelle.

Cette observation s’applique mieux encore à Labuan, que les Anglais achetèrent en 1846 au sultan de Bornéo, avec le double but de développer le commerce en ces parages peu fréquentés et d’y répandre la civilisation chrétienne. Les négocians de Manchester, de Londres et de Glasgow avaient, dit-on, prié le gouvernement de leur ouvrir un débouché dans la partie de l’île de Bornéo que n’occupent pas les Hollandais. On y découvrit une mine de houille qui, bien exploitée, eût été fort avantageuse à la navigation à vapeur ; mais les gens qui en obtinrent la concession ne surent pas en tirer parti. La station de Labuan répondit alors si mal aux espérances que l’on avait conçues, que le ministère des colonies déclina l’offre de sir James Brooke, qui proposait de léguer à ses compatriotes le petit royaume de Sarawak, dont il avait été le fondateur dans le voisinage. Actuellement Labuan coûte 7,430 livres sterling par an et en rapporte 2,086 ; c’est donc une possession onéreuse. Il n’est pas bien démontré qu’une station intermédiaire entre Singapour et Hongkong soit utile aux navigateurs. Les indigènes de Bornéo se sont montrés rebelles à la civilisation anglaise. A tous égards, c’est un établissement qui coûte plus qu’il ne vaut et dont l’abandon ne causerait aucun préjudice au commerce britannique.

Hong-kong n’est pas dans le même cas, tant s’en faut. Après le traité de Naukin, qui livra cet îlot à l’Angleterre, on y fit de grosses dépenses afin d’y attirer les navires européens. Ce devait être un port franc, un lieu de relâche, un entrepôt pour le commerce entre la Chine et l’Europe. Ces projets ont réussi au-delà de toutes prévisions, car le mouvement annuel de la navigation y dépasse maintenant 3 millions de tonneaux. C’est aussi, quoique le climat en soit très malsain, la garnison des troupes de l’armée de terre que la Grande-Bretagne entretient sur le littoral du Céleste-Empire

  1. Aden, qui garde l’entrée de la Mer-Rouge, comme Gibraltar garde celle de la Méditerranée, est une dépendance de l’Inde anglaise. Un excellent port et des sources d’eau douce en font toute la valeur, car le commerce local est de peu d’importance, et la garnison y est décimée par le climat.