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point vu, parce que, comme beaucoup de cœurs généreux, il refusait de croire qu’il y eût incompatibilité entre l’église et la liberté. Aujourd’hui malheureusement l’illusion n’est plus possible. Montalembert et Lacordaire sont morts désavoués, le père Hyacinthe et Döllinger sont excommuniés. M. Veuillot exprime la véritable doctrine romaine sanctionnée par l’autorité infaillible du pape quand il dit : « Il n’y a, il ne peut y avoir de catholicisme libéral. Les catholiques libéraux qui sont vraiment catholiques ne sont pas libéraux, et ceux qui sont vraiment libéraux ne sont pas catholiques. » En Belgique, les journaux de l’épiscopat tiennent le même langage.

L’église vise à reprendre la direction suprême de la société civile. Voici sur quelles raisons elle se fonde. La société civile, l’état, reposent sur certaines notions de droit et de morale. Si vous punissez le meurtre, le vol, l’attentat aux mœurs, c’est que vous considérez ces faits comme mauvais et criminels. Si vous établissez la propriété, l’hérédité, la sainteté des contrats, c’est en vertu de certains principes de justice ; mais ces principes du juste et de l’injuste, du bien et du mal, la raison si faible, si incertaine de l’homme n’arrive pas à les découvrir sans les lumières de la révélation. Les opinions humaines, toujours variables et ordinairement contradictoires, ne peuvent décréter ces lois immuables, qui seules doivent servir de base stable à la société. Pour les trouver, il faut recourir à la raison divine, perpétuellement manifestée par l’organe de son vicaire infaillible. C’est donc le pape qui est le juge suprême des lois civiles et politiques : lui seul peut décider souverainement de ce qui est bien et juste ; conséquemment tous les chefs d’état, assemblées, présidons ou rois, lui doivent obéissance. Les nations qui méconnaissent son autorité tomberont dans une irrémédiable anarchie. Si l’on admet ces prémisses, d’une part l’impuissance de la raison humaine pour découvrir ce qui est juste et bien, de l’autre l’infaillibilité papale, je ne crois pas qu’il y ait rien de sérieux à répondre. Le fidèle, à moins qu’il ne s’insurge contre l’autorité de l’église, est ainsi logiquement conduit à reconnaître la souveraineté suprême du pape et de ses délégués les évêques, même dans les affaires civiles.

En Belgique, cette doctrine est plus près de se réaliser que partout ailleurs. Elle s’enseigne dans les collèges des jésuites et à l’université de Louvain, où se forme la plus grande partie de la jeunesse. Un professeur de cette université, écrivain de talent et correspondant de l’Institut, M. Charles Périn, vient d’exposer ces idées dans une étude intitulée les Libertés populaires, où il cherche les conditions de salut des sociétés contemporaines. « Ce que Dieu prescrit, dit M. Périn, et ce qu’il interdit, voilà le devoir et le fond obligé de toutes les lois. L’infaillibilité du pouvoir établi de Dieu