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l’administration intérieure et les diverses juridictions auxquelles les étrangers et les indigènes devaient recourir.

La colonisation avait donc fait de rapides progrès, quand tout à coup de nouvelles épreuves vinrent l’assaillir et lui donner en même temps un fondement plus solide que la condescendance capricieuse des indigènes. Ce fut la période de la conquête. Notre histoire est remplie de faits d’armes plus importans ; elle n’en connaît pas de plus glorieux.


III

L’arrestation du docteur Pritchard avait mis le comble à l’irritation de l’Angleterre ; placé dans l’alternative « d’une folie ou d’une faiblesse, » le gouvernement français reconnut des torts qu’il n’avait point eus, et fit avec un rare courage politique ce pénible sacrifice à la paix du monde. Si méritoire qu’elle put être, une telle résignation n’en devait pas moins ébranler l’édifice encore chancelant que le gouverneur de Taïti s’appliquait de son mieux à consolider. L’esprit crédule des Indiens ne pouvait rester insensible aux rumeurs qu’un désaveu aussi éclatant allait faire de nouveau circuler dans l’île. Le 10 août 1845, l’amiral Hamelin, montant la Virginie, l’amiral Seymour, dont le pavillon flottait à bord du Collingwood, s’étaient réunis sur la rade de Papeïti pour aviser de concert au règlement de cette fameuse compensation qui a pris dans nos fastes politiques le nom d’indemnité Prichard. Animés de l’esprit le plus conciliant, ces deux officiers-généraux étaient facilement tombés d’accord sur le chiffre de la réparation demandée. Une autre question devait par malheur venir troubler encore la bonne harmonie si nécessaire à notre établissement. L’amiral Seymour avait l’ordre de saluer à Taïti le pavillon du protectorat ; il lui était enjoint de ne pas admettre l’extension de notre autorité sur le groupe des îles sous le Vent. Cette déclaration produisit son effet ailleurs qu’à Raiatea, à Borabora ou à Huahiné. Les flammes mal éteintes de l’insurrection se ranimèrent soudain, et le territoire de nos alliés fut envahi par des bandes hostiles. Le gouverneur pourvut au plus pressé en envoyant sur les points menacés des renforts ; mais ce qu’il lui fallait avant tout pour réparer l’atteinte portée au crédit de la France, c’était un grand succès moral. Ce succès serait à coup sûr complet, si, affectant de ne tenir aucun compte de la proclamation de l’amiral Seymour, on réduisait à l’obéissance les îles mêmes dont l’envoyé de la Grande-Bretagne avait si hautement affirmé l’indépendance.

Tel fut le motif qui détermina, vers la fin de l’année 1845, l’envoi de la frégate l’Uranie à Huahiné. La résolution était hardie ; elle