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pontificales. De temps à autre, paraissaient d’ailleurs des décisions qui revendiquaient le droit de toute possession de la part du saint-siège. C’est ainsi qu’en 1867 un acte émané de Mgr de Witten menaçait de confisquer les biens meubles, et mettait le séquestre sur les immeubles de tous ceux qui avaient trempé dans le mouvement garibaldien ; le considérant du décret portait qu’il était juste de dédommager aux dépens des coupables ceux qui avaient souffert de la secousse politique. Cette menace est restée sans exécution, on le conçoit : le décret même n’obtint qu’une publicité restreinte ; mais l’on voit que le gouvernement pontifical se croyait le maître de la propriété foncière.

Si le saint-siège, au lieu de confisquer tous les usufruits à son profit, s’est contenté d’un médiocre droit d’investiture pour la propriété privée, il n’en est pas moins vrai qu’une forte partie de la propriété dans les états du pape est encore désignée sous le nom de commune, c’est-à-dire qu’elle appartient à des communautés, et qu’elle constitue des bénéfices en faveur des princes de l’église, cardinaux, évêques, abbés, généraux des ordres religieux. Ajoutez à cela les chapitres des grandes basiliques, les diverses sociétés dites charitables, les administrations des hospices, les congrégations bienfaisantes, qui toutes, par donations surtout, se trouvent riches de biens-fonds immenses. San-Pietro dans la première catégorie, Santo-Spirito dans la seconde, passent pour être des plus opulentes.

Ici, comme pour les princes romains, nous devons dire que c’est une richesse plus apparente que réelle. Les revenus sont limités par le mauvais état de l’administration, par l’impuissance bien connue de la mainmorte, par l’abandon notoire du travail agricole. Les apologistes contemporains des institutions cléricales se sont enhardis jusqu’à plaider la cause du monachisme actuel en exhumant les mérites du monachisme passé. On a rappelé que certains ordres religieux avaient contribué au défrichement de l’Europe après les destructions des barbares. Hélas ! les temps sont bien changés ; nous avons visité bon nombre de couvens de tous les ordres, en Italie surtout ; il ne nous souvient pas d’en avoir vu un seul dont le jardin fût quelque peu bien tenu. Les herbes folles et les orties poussent comme chez elles autour de ces retraites où s’endort l’indolence de tant d’hommes vigoureux. Si l’on y compte quelques frères jardiniers, je les soupçonne d’être peu aidés des autres et plus jaloux de leur repos que du bon ordre de leurs plates-bandes. La plupart des couvens font cultiver leur jardin à prix d’argent par des paysans.

Si même un étroit potager souffre de la négligence et de la mollesse monacales, que voulez-vous que deviennent des biens-fonds,