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La dépopulation amena la pastorizia. Quand Rome ne comptait plus que 12 ou 13,000 habitans, à quoi bon ensemencer ? La féodalité d’ailleurs préférait les troupeaux aux moissons ; elle abritait ses bœufs contre les coups de main, tandis que les récoltes eussent été brûlées. Les papes, pour se venger de seigneurs hostiles, distribuaient souvent les terres de ceux-ci à leurs propres neveux, souches premières de la plupart des familles patriciennes subsistantes ; le reste appartint aux congrégations religieuses. Ainsi s’est établi, avec la grande propriété et la mainmorte, cet état rural d’où il est si difficile de sortir.

Mais cette leçon de l’histoire ne doit pas rester perdue. Il faut maintenant prendre le contre-pied des erremens du passé, ramener la sécurité dans ces campagnes, faire rentrer la propriété dans le domaine du vrai public, activer la production en facilitant les débouchés, établir des lois économiques en accord avec les besoins modernes. Le gouvernement du roi Victor-Emmanuel réagira contre ces mœurs qui font ressembler une ferme à une factorerie coloniale, où le travail prend des allures serviles, où le manouvrier est traité en esclave temporaire sous le bâton des contre-maîtres ; il restituera, fût-ce au bout d’un siècle, la terre au vrai travailleur, surtout et à tout prix repeuplera ce qui est désert. C’est ici que se rencontre la plus grave difficulté. Le régime de la mainmorte n’existant plus, les majorats s’en iront grand train sous le nouveau régime ; la fièvre seule sera encore debout.

Redoutable fléau que cette malaria ; en quelques heures, elle peut tuer. Les mieux acclimatés en subissent durement les atteintes ; leur teint en certaines saisons est livide, leurs chairs deviennent œdémateuses, leurs forces s’épuisent. Que peut la quinine quand le poison, neutralisé un instant, est de nouveau absorbé dès le lendemain, et que l’économie du malade reste sous l’influence maudite ? Si le corps humain pouvait aussi impunément affronter les terres basses, humides et chaudes que le peut celui de l’animal, les plus malsaines contrées du globe deviendraient des greniers d’abondance. Depuis qu’on étudie le problème, c’est à peine s’il a fait un pas. La canalisation des eaux stagnantes ne suffit point, car elle n’a pas d’action immédiate. Du fond des marais desséchés s’échappent des émanations morbides ; les débris végétaux contenus dans cet humus décomposé en recèlent les germes ; les terres remuées pour ces travaux sont elles-mêmes des foyers d’infection[1].

Au reste, la fièvre règne presque aussi implacable sur les

  1. Les recherches récentes de M. Balestra tendent à faire croire que ces miasmes ont pour cause les spores d’une algue. Voyez la Revue du 1er août 1871 (les Impuretés des eaux).