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et ses successeurs délivrèrent la papauté de l’oppression des Lombards, qui succombèrent comme les Goths dans leur lutte contre Rome, après avoir jeté quelque gloire sur leur nom et réglé le régime féodal par des principes fixes. Charlemagne compléta l’introduction du catholicisme en Allemagne, eut raison de l’indomptable confédération odinique de la Saxe, qui comprenait presque toute la Basse-Allemagne, et repoussa au-delà de l’Elbe les tribus païennes d’origine diverse qui menaçaient l’établissement du christianisme dans le centre de l’Europe. Depuis Constantin, aucun prince n’avait rendu au catholicisme plus de services que Charlemagne. Il sauva la papauté chancelante, et reçut de sa reconnaissance la collation solennelle de la couronne impériale. Sous un empereur germain d’origine, entouré de dignitaires germains comme lui, le respect des peuples retrouva cet appui tutélaire de l’autorité impériale, dont la tradition avait survécu à sa ruine, et dont l’ombre renaissante parut suffire pour rendre l’équilibre au mouvement régulier de la société. De là cet empire romain germanique, nommé saint et sacré par l’église[1], parce qu’il avait sauvé l’église d’un des plus grands périls dont elle ait été affligée, et parce qu’il avait doté son pontife d’une souveraineté temporelle qui assurait sinon son indépendance, du moins sa dignité[2]. De là enfin cette importance traditionnelle du couronnement pontifical, admis comme nécessaire au moyen âge, non pour conférer le titre de roi de Germanie, qui s’obtenait depuis l’avènement des Otton par le suffrage électoral, mais pour ajouter régulièrement à ce titre celui d’empereur, que ne pouvaient prendre les souverains élus non couronnés des mains du pape, à Rome ou ailleurs. Les papes tenaient la main à cette distinction de titres, qui était une des sources, de leur fortune et de leur puissance. Le vulgaire y attachait aussi un grand intérêt[3]. Cependant l’autorité morale qui restait à l’empire d’Orient fit rechercher par Charlemagne la reconnaissance de son nouveau titre à Constantinople. Il la demanda même à trois empereurs consécutifs, qui la donnèrent avec empressement[4].

L’empire ressuscité fut héréditaire dans la famille des Karolings ; le grand prince en avait assuré de son vivant la transmission à cet

  1. Sacro-sanctum imperium romano-germanicum. Voyez sur l’histoire de cette formule, Becmann, p. 77 ; — Puffendorff, ouvrago cité, p. 19 ; — Pütter, De inst. imp. rom. sub Carolo M., etc., p. 72 et suiv. ; — Himly, De sancti rom. imperii nat. germ., etc Paris 1849, in-8o.
  2. Voyez Th. D. Mock, De donations a Car. M. sedi apostolicœ oblata. Munster 1802, in-8o, et le Codex dom. temporalis du père Theiner (3 vol. in-fol. ), t. Ier, initio.
  3. Voyez Albert de Strasbourg en sa Chronique, et Jean de Winterthür, sur l’an 1288.
  4. Voyez les Ann. fuld. sur 802, et les Annal. d’Éginhard, sur 803 et 812. — Lorenz, Hist. german., p. 37.