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sur les bords du Rhin, recherchèrent avec un grand sens politique quels étaient les peuples dont la suprématie pouvait le plus utilement servir la cause commune. Les Saxons d’abord, les Francs orientaux ou Franconiens ensuite, parurent être le mieux en mesure de diriger et conduire les affaires germaniques ; mais le vieux duc de Saxe, un Otton, un descendant de Witikind tout à la fois et de Charlemagne par les femmes, s’excusa sur son âge de l’exercice de la dignité impériale que lui déférait un suffrage unanime, et désigna un Franconien pour le remplacer, engageant du reste son concours pour seconder Conrad dans la charge que sa noble confiance invitait à lui déférer, ce qui fut fait ; par un rare exemple de magnanimité, on vit à son tour le Franconien mourant, un aïeul des Nassau d’aujourd’hui, appeler les suffrages des comices sur un Saxon, fils du généreux Otton, qui fut le célèbre Henri Ier, dit l’Oiseleur, l’un des promoteurs les plus actifs de la civilisation dans l’intérieur de l’Allemagne. C’est ainsi que la Saxe et sa maison ducale furent appelées à la direction des affaires allemandes.

Le fils de Henri l’Oiseleur fut Otton le Grand, élu en 936, le fondateur d’une nouvelle domination tudesque en Italie, le vrai restaurateur, d’accord aussi avec, la papauté, du saint-empire germanique, et l’organisateur du nouveau droit public qui releva l’empereur de l’abaissement où la maison de Spolète l’avait laissé tomber, et le porta au sommet des grandeurs où le moyen âge et la renaissance l’ont remis. La maison de Saxe éteinte, l’élection choisit de nouveau un empereur dans la maison de Franconie, — cette puissante maison salique dont les luttes avec la papauté ont été si fatales. Après la maison de Franconie, l’élection appela les Souabes et leur duc, un Hohenstaufen, au gouvernement, — puis, après l’intermittence de l’interrègne, et les règnes de Rodolphe et d’Albert de Habsbourg, séparés par Adolphe de Nassau, la maison de Luxembourg qui, deux siècles plus tôt, eût pu représenter l’intérêt territorial de la nation de Lorraine arrivant à son tour à la prédominance en Allemagne, mais qui, au moment où elle est parvenue à l’empire, n’était plus la personnification d’une province ou nation, ni des passions d’une race ou des idées d’une époque, — caractères qu’on retrouvait dans les trois premières dynasties impériales, caractères qu’on eût pu rencontrer dans la compétition postérieure de la maison de Bavière, si la race autrefois si énergique des Wittelspach ne s’était pas montrée affaiblie dans les différentes occasions où la fortune lui a fourni le moyen de recueillir à son tour le sceptre impérial. C’est sous le règne de la maison de Luxembourg que l’Allemagne imposa au chef de l’empire la reconnaissance solennelle de ses libertés et de son droit public,